AC/DC, LIVE ::: Les (c)loches de l'enfer

Publié le 21 juin 2010 par Gonzai
carrousel:  1

Chargés comme des coureurs cyclistes en pleine ascension, deux rédacteurs Gonzaï donnent leur point de vue sur les vieux du stade, de passage en France pour une poignée de concerts à vous en décoiffer les baby-boomers.

Perdus dans la foule à demie chauve, évitant les giclées de sueur et les groupies aux allures de Claudettes ventripotantes, Mathis Up Bloater et Hugo Charpentier apportent leurs points de vue respectifs sur le retour des frères Young à Nice (le 15 juin) puis au Stade de France (le 16). Quand un groupe de vieux briscards rencontre un pays de pré-rétraités, ça donne forcément une rencontre qui grince.

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On est à la bourre bordel. L'autoroute de l'enfer est bondée, 18 km de bouchons dans le sens inverse. Le temps de foutre tout le monde dans le break familial et go ! Plus une minute à perdre, il faut rejoindre ce foutu stade où AC/DC doit faire sonner ses cloches de l'enfer qui n'ont pas vibré à Nice depuis 1979.

Dans trente minutes, Slash est censé attaquer son show. On n'y sera jamais, le chauffeur blinde et le fan des Guns assis à l'avant du break rappelle à quel point le guitar hero sait user d'une certaine ponctualité. On opte pour une route de montagne qui passe par les hauteurs de Nice. D'en haut, on aperçoit deux sacrées paires de cornes sorties toutes droites du stade. On est garé et on court, sandwich en main, le long de la route qui mène au stade. On est dans les temps ! Slash commence juste ses premières gammes. A vue de nez, 45 minutes de live pas plus, avec un set reposant en grande partie sur les classiques de l'époque Guns'n'Roses. Slash n'a pas changé: chapeau noir, lunettes noires, froc moule bourses en cuir (noir, forcément), cheveux noirs (aussi), marcel noir (idem) et sa pure Gibson orangé (ah, quand même) au son claquant. Au moment de Sweet Child O'Mine, dit "l'hymne" par les puristes, la foule prend un coup de vieux, chante le mythique solo de Slash et se régale, tout simplement. Et même si selon ma gueule, tout cela a un chou vieilli, Slash reste un de ces gratteux qui a tourné une page de l'histoire du rock et boosté les ventes internationales de guitares à en faire chier une génération de parents pendant dix ans, au moins. Bref, Slash mérite sa place au panthéon des rock stars.

Entracte. Le ciel pleure, ce qui visiblement n'a pas été suffisant pour rafraichir les brutes épaisses cloutées présentes pour l'occasion. Il est 20h30, il n'y a plus de bière au Stade Charles Ehrmann de Nice. Je ne suis pas seul à suspecter la présence d'un vaste complot monté par la préfecture. Croyez-moi, s'enchaîner un live d'AC/DC sans houblon coulant sur la langue, ça fait durcir le gosier. Mais bon, le monde change, il paraît que c'est mieux comme ça.



Nom de Dieu mec ! D'où sort ce train ?!

Oui. Après l'explosion et le feu d'artifice introductifs, une putain de locomotive se retrouve sur la scène fumante. Angus débarque, un peu marqué par l'âge, mais portant toujours ses sapes d'écolier en velours rouge cette fois-ci. Rock'n'Roll Train sera le premier morceau joué. Un titre issu du dernier album qu'en toute honnêteté je n'ai jamais écouté, mais qui, en live, sonne foutrement bien. Brian Johnson s'arrache les cordes vocales comme il faut, la ligne rythmique est on ne peut plus calée et en avant les solos endiablés. Pendant The Jack, les caméramans qui balancent les images sur grand écran changent de point de vue et se tournent côté public pour filmer les nibards des gonzesses qui osent en lâcher un tout en étant assises sur les épaules de leurs maris. Là au moins, même s'il n'y a plus de bière pour les concerts d'AC/DC, on sera bien servi niveau nichons.
Puis...Hells Bells, enfin ! Une énorme cloche descend sur scène, Brian se jette sur la corde pour la faire sonner (C'est du playback, mais ça envoie). Les solos ne s'arrêtent plus, tous possèdent une putain de pêche ! Angus se roule par terre comme à ses débuts, une poupée gonflable deux fois plus grosse que la locomotive chevauche cette dernière, des flammes jaillissent, Brian hurle, Angus court, Malcom reste cool et les autres font leur boulot à la perfection.

Mais putain quel est le crétin qui a inventé le concept du « on se barre cinq minutes, puis on revient faire deux morceaux ? »

On s'en fout bordel, un rappel, un Rappel !! Et bim !  We are on this fuckin' Highway to Hell, vite on fait les cornes du diable avec nos mains !!! 40 000 x 2 moins les 0,001% de personnes handicapées ayant un seul bras ce soir ça fait... Près de 79 000 cornes du diable en l'air, sans compter les serre-têtes cornus lumineux vendus par le staff commercial d'AC/DC.
Un dernier feu d'artifice et c'est réglé. Le live se termine et même si ce show refoule le business, on ne peut pas dire que ces vieux de la vieille ne donnent pas tout ce qu'ils ont. Trempés de sueur, Angus, Brian, Malcom, Cliff et Phil quittent la scène laissant derrière eux des milliers de spectateurs s'étant pris une honorable baffe. La pluie s'arrête à peine, tout le monde rentre et chante encore. C'est ça le rock'n'roll d'hier, c'est ce genre de groupe que l'on ne verra plus demain. Hell Yeah !

Mathis Up Bloater

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Une locomotive fumante chevauchée par une poupée gonflable éléphantesque. Le stade de France plus adapté aux combats de gladiateurs qu'aux concerts de hard rock. Deux heures trente de show dans l'arène... l'occasion de renouer avec les vieux démons.

Se projeter au sein de la gigantesque industrie du hard rock c'est un peu comme disputer une partie de monopoly: Claquant promptement ses billets, n'importe qui de 7 à 77 ans peut se payer le luxe de participer. Assis à l'ombre du Stade de France, à quelques pas des caméras du Grand Journal, nous contemplons, moi et mon collocataire, la diaspora réunie sous l'égide vieillissante quoique toujours aussi subtile du costume d'écolier d'Angus Young. Barbus grisonants, adolescents puberterres, pères de familles rangés depuis longtemps, ils sont venus en familles, revêtus de leurs tee-shirt délavés et de leurs jeans troués. Tous se sont imbibés comme ils se doivent de l'être pour l'occasion.

Disney Park ou Jurassic Land?

Bien sûr, c'est facile de se moquer mais c'est surtout super marrant. De toute façon, que peut-on attendre d'un concert d'AC/DC au Stade de France en 2010? C'est la question que je me pose, quand franchissant les barrières de sécurité, le vigile me tatonne distraitement les parties. Les quinquagénaires éxecuteront-t-ils fadement un set déjà rodé depuis des dizaines d'années? Les feux d'artifices, les coups de canons et les films d'animations projetés sur écrans géants ne seront-t-ils que des caches-misères jetés au visage d'un public végetant, transpirant corps et âmes sa ménopause et sa frigidité après toutes ces années passées à ressasser les mêmes refrains? Non, une performance d'AC/DC au XXIème siècle, ce n'est pas un concert des Rolling Stones. Pas non plus un match de l'équipe de France, il y a bien quelque chose à voir.

Les nostalgiques peuvent dormir tranquilles, ils en auront pour leur argent. Slash, en premiere partie a la bonté d'éxecuter quelques titres des Guns. Contre toute attente, le son est plutôt bon et le chanteur (Myles Kennedy), relativement à la hauteur de ce qu'il interpréte. Balle au centre, deuxième mi-temps, c'est aux australiens d'attaquer. Des rides, de la démesure, de la dynamite. L'ambiance est bonne enfant, les stéreotype rock'n'roll réunis: sur les écrans géants les groupies lèvent leurs tee-shirts et Angus éxecute un strip-tease à crever de rire, dévoilant son ventre flasque et sa poitrine pendante qui s'agite dans la brise du soir. A voir comme on peut ce petit bonhomme de 55 ans prendre un pied phénoménale à faire vibrer le stade, on en oublierait presque tout l'aspect business de la soirée. Personnellement, je m'en suis payé une bonne tranche, loin d'être déçu, puisque même si on a le sentiment d'être dans un supermarché, sur scène, il y a bien de la génerosité, pas ce côté blasé auquel n'importe qui s'attendrait dans la même situation.

Angus, le dernier dinosaure.

Il nous a donné du fil à retordre et même le grand méchant Youtube n'aura eu raison de sa carcasse. Il achevera le show par un long solo d'une quinzaine de minute, et à partir de là, on ne se demande même plus si c'est bien ou merdique. L'atmosphere fait le reste, et n'est pas si bien assis sur nos acquis, on reste persuadés que même habitée par les asticots, la crème restera toujours la crème. Comme au cinema, pas besoin de se triturer l'esprit, juste profiter du spectacle pour enfin, reprendre le chemin de la maison dans le fracas du bruit d'un moteur de Harley.
Aux dernières nouvelles, Angus Young vivrait dans une petite maison aux Pays-Bas, ne sortant de chez lui que pour s'acheter des clopes deux fois par jour. C'est en prêtant attention à ce genre de détail que je me demande comment peut fonctionner tout ce petit monde avec ces grosses guitares qui vous gifflent un beau jour pour le lendemain vous faire bouffer des hot-dogs à sept euros.

Hugo Charpentier