Le rugby est un sport de voyous pratiqué par des gentlemen. Le football à la française serait-il un sport de gentlemen pratiqué par des voyous ? Autant le dire d'emblée, je ne suis pas un spécialiste du football et encore moins un fanatique de l'équipe de France. Je l'ai été. Mais depuis que les insultes racistes, les banderoles xénophobes et les saluts fascistes ont envahi les stades, je me suis détourné de ce sport magnifique et populaire et je ne suis plus avide des retransmissions télé et encore moins des pathétiques péripéties de la situation de l'équipe (mot impropre) qui galère en Afrique du sud. Pourtant, on peut déjà dresser un bilan global de cette extraordinaire aventure sud-africaine.
Jérôme Cahuzac, président (socialiste) de la commission des finances de l'Assemblée nationale l'assure : « Il règne en équipe de France un climat qu'au fond Nicolas Sarkozy a exalté : c'est l'individualisme, c'est l'égoïsme, c'est le chacun pour soi et la seule échelle de valeur de la réussite humaine, c'est le chèque touché en fin de mois."
Il poursuit : « les Bleus sont sarkozystes dans la manière d'être très individualistes et très égoïstes, ne pensant qu'à eux et n'imaginant pas que d'autres joueurs, leurs partenaires, puissent réussir à faire ce que, eux, d'évidence ne parviennent pas à réaliser…Le cas d'Anelka, de ce point de vue, est tout à fait emblématique, qui a jugé qu'en trottinant il pouvait faire gagner l'équipe de France et qui n'a pas songé une seconde à se mettre au service du collectif. C'est le même Anelka qui a indiqué, d'ailleurs, que jamais il ne rentrerait en France car il ne voulait plus y payer d'impôts."
Ces joueurs emblématiques du tout fric et du tout égoïsme ont des équivalents dans d'autres sports. Combien de pratiquants de haut niveau domiciliés à Londres, Genève, Monaco ou dans certains paradis fiscaux ? Je veux bien qu'on verse des larmes chauvines sur le sort de l'équipe de France de football, sur le pauvre Domenech, complètement dépassé par sa névrose égotique et son amour pour Estelle, sur M. Escalettes, incapable d'assumer son rôle de dirigeant. Tout de même. Le spectacle pitoyable hors terrain que nous donne cette équipe (en pleine réforme des retraites) ne peut pas capter toute notre attention ni toute notre sollicitude. Trop c'est trop !
Quand Franck Ribéry touche 12 millions d'euros par an (soit 32 876 euros par jour pendant 365 jours) et qu'on l'entend sur TF1 présenter ses excuses à la France esbaudie, qui a envie de venir à son secours ? Le sport professionnel met en jeu des sommes d'argent colossales. Les joueurs, les agents, les publicitaires, les chaînes de télé s'en mettent plein les poches. Pourquoi au juste ? Pour du pain et des jeux. Et maintenant que les paris sont ouverts sur Internet, combien de victimes addictives, combien de pauvres abusés, combien de malheurs individuels et collectifs ?
Mon seul bonheur dans cette histoire, c'est de voir Roselyne Bachelot-Narquin faire du rafting verbal : « je soutiens à fond notre équipe, je ne vais pas lui donner des coups de couteau dans le dos ». Autre satisfaction : le plan com de Nicolas Sarkozy bâti autour de l'équipe de France et de ses résultats tombe à l'eau. Je souhaite enfin à certains membres de cette équipe de faire un bon voyage retour dès mercredi matin entre Le Cap et Paris. Car ils ne sont pas tous à mettre dans le même sac.