Sur Telos, Marc Clément est l'auteur d'un passionnant article intituléla fiscalité
verte est-elle euro-compatible?Cet article pose clairement la question du lien entre fiscalité environnementale et droit
communautaire en examinant la jurisprudence de la Cour de Justice Europénne au regard des différents conflits juridiques qui s'y sont succédés. Il semble utile de voir comment les outils fiscaux
verts peuvent y répondre. On l'examinera ici simplement auprès de deux solutions proposées : la taxe carbone et les contributions incitatives.Marc Clément distingue trois conditions importantes pour vérifier cette compatibilité.1-D'abord, il est nécessaire de s'entendre sur l'effet bénéfique pour l'environnement du produit concerné : "la première étape est donc de trouver des critères
incontestables en matière d'environnement". Cela nécessitedes critères
objectivement mesurables.Le CO2 semble avoir cette vertu et c'est pour cela que les promoteurs de la taxe
carbone l'ont utilisé. Mais ce critère a ses limites : il ne tient pas compte par exemple de la production de déchets ou de la pollution des sols générés par un
produit.La comparaison tourne donc à l'avantage des contributions incitatives. Etroitement spécialisées,
établies en étroite concertation avec la communauté d'intérêts qui l'utilise, elle sera construite de manière précise autour des différents critères objectifs qui correspondent aux problèmes
environnementaux posés dans le secteur où elle est établie. La taxe carbone n'a pas ses vertus : séduisante par sa simplicité, elle n'aborde qu'un aspect (certes essentielle) des problèmes. Il
n'en reste pas moins que la mesure du carbone est un critère objectif de qualité.2-Deuxième condition : le respect du libre échange
intracommunautaire, la cour de justice vérifiant que une nouvelle réglementation fiscale ne constitue pas une entrave déguisé à la liberté du commerce. Il y a ici matière à interrogation.
En effet, la logique économique du libre-échange peut entrer en contradiction avec la logique écologique de la préservation des ressources. C'est le cas quand la fiscalité favorise la production
locale au motif que celles-ci est moins polluante en réduisant les transports.Il est intéressant de noter que la jurisprudence communautaire tient
compte de l'impact environnemental plus faible des productions locales. Elle ne donne donc pas forcément raison au principe de libre-échange. Par contre, elle demande
"d'accorder aux opérateurs économiques suffisamment de
temps pour s'adapter à un nouveau système".La taxe
carbone comme les contributions incitatives ont justement tenu compte de ce principe en mettant en place cette progressivité.3-Troisième condition: vérifier que l'on ne se trouve pas déjà
dans un domaine où le droit communautaire est intervenu. Cette condition doit se comprendre dans le contexte du partage des compétences entre les Etats
membres et l'union. Or, l'environnement est une compétence partagée entre ces deux niveaux, les décisions en ce domaine relevant plutôt du principe de proportionnalité dégressive plutôt que
duprincipe de subsidiaritéDans ce contexte, la taxe carbone n'a guère de chance d'aboutir sans une cohérence communautaire qui permette de dépasser les problèmes de
concurrence.Ce problème semble moins importants avec les contributions incitatives pour deux raisons:-construite de manière personnalisée pour un problème donné, elles tiendront compte du droit communautaire pour le compléter si nécessaire ou pour
le suppléer si il s'agit d'un domaine qu'il ne couvre pas.-le risque de créer un différentiel fiscal désavantageant les entreprises soumises à une taxe verte est limitée par la mise à disposition des
recettes générées pour investir dans des modes d'action écologiquement responsables.