« - Madame, pourquoi vous couriez ?
- Je suis très en retard ! Je courais pour avoir mon bus.
- Oui... mais... quand vous courez, votre derrière fait des mouvements...comment dire.. impudiques !
- ET BIEN VOUS N'AVEZ QU'A PAS REGARDER MON CUL ! »
Il se passe parfois des moments de lecture tellement forts que vous ne pouvez que constater le pouvoir des livres sur votre maturité et votre ouverture au monde. Vous réalisez qu'il existe dorénavant :
Un avant...
Persepolis était pour moi un dessin animé en noir et blanc qui a reçu de nombreux prix et qui devait être épouvantablement triste. Je n'ai jamais eu le courage ni l'envie de le découvrir.
...Et un après
C'est en me retrouvant face à face avec mon ignorance, soit les quatre volumes de la BD Persepolis, que je me suis décidée à devenir un peu moins conne. C'est beaucoup de travail diraient certains mais vous, j'en suis convaincue, n'êtes pas de ceux-là.
Ce qui n'est pas non plus à mon avantage, est le fait que j'étais certaine que le noir et blanc ainsi que le sujet provoquaient tous deux une certaine illisibilité (ne dites rien, je sais... y a du boulot !) Pourtant, dès la première page, j'ai été happée dans le monde incroyable de Marjane Satrapi. Quelle femme ! Quelle œuvre ! Quelle audace !
Les quatre opus de Persepolis sont à chérir comme un trésor. L'auteure nous offre avec une profonde générosité sa famille, son pays, sa vision, ses doutes, ses espoirs. Le dessin est simple, les mots le sont aussi tout en gardant une puissance d'impact impressionnante.
La vulgarisation est souvent méprisée. Pourtant, il en faut de la maîtrise et du talent pour rendre accessible l'essence du sens. Au fil des pages, c'est une gamme d'émotions qui monte lentement pour vous faire rire, pleurer, rager, comprendre, détester, adorer et finalement aboutir à une explosion de vie et d'espoirs.
Un grand coup de cœur.
Persepolis - Le film
Comme chacun le sait, dans une adaptation, il est difficile pour le lecteur d'admettre les concessions faites par le réalisateur. Dans Persepolis, l'histoire est déjà racontée graphiquement ce qui a certainement dû faciliter les choses. La haute qualité de l'image m'a, en tout premier, sauté aux yeux. Le dessin est léché, lisse, travaillé, d'une grande profondeur.
Les voix ont été choisies avec soin. Catherine Deneuve rend magnifiquement hommage à cette mère au courage impossible. Simon Abkarian propose un ton tout en nuance pour le père que tout le monde souhaiterait avoir. Et Danielle Darrieux excelle dans le rôle de cette grand-mère visionnaire et insolente. Cette dernière ne recentre pas seulement Marjane mais chaque spectateur, sans démagogie, sans morale, tout simplement en restant vraie.
Par contre... Évidemment ! J'ai préféré la BD...
La bande-dessinée se répartit en quatre tomes. Les pages se tournent au rythme que le lecteur impose. Le film est dense, les respirations moins nombreuses.
Dans la BD, une image m'a profondément marquée. Pour enrôler les jeunes dans l'armée, les soldats n'hésitent pas à leur donner une clé en plastique ; la clé du paradis. Cette scène est présente dans le film mais son déroulement est inversé ce qui dessert, à mon sens, son impact.
Un des moments forts de la BD ne figure pas dans le film. Je ne le comprends pas et je le regrette. Extrait en texte et non en image :
« Le régime avait compris qu'une personne qui sortait de chez elle en se demandant : est-ce que mon pantalon est assez long ? Est-ce que mon foulard est à sa place ? Est-ce que mon maquillage se voit ? Est-ce qu'ils vont me fouetter ? Ne se demandait plus : où est ma liberté de pensée ? Où est ma liberté de parole ? Ma vie est-elle vivable ? Que se passe-t-il dans les prisons politiques ? »
Ce fut pour moi un moment révélateur, un sens inédit donné au voile.
Ces détails ne m'ont pas empêchée d'apprécier le film à sa juste valeur et de verser des larmes. La scène de la prison. Une seule visite et c'est sa nièce qu'il choisit. Les deux scènes de l'aéroport. Le courage de ces parents qui poussent leur fille vers un autre pays pour qu'elle puisse vivre une vie plus digne. Il est alors insupportable de réaliser que les conditions de vie que nous connaissons ne valent pas mieux que celles imposées dans un pays sous dictature
C'est un magnifique film qui a amplement mérité ses éloges. Marjane Satrapi incarne un bel exemple de résilience et démontre avec force, sans manichéisme aucun, « l'ignorance agissante » (Goethe).
Réalisateurs : Vincent Paronnaud, Marjane Satrapi
Français, sous-titres Langue des signes (bravo !)
95 minutes, 2007
Ma participation au challenge...
Ecrire un commentaire 12 - Voir le commentaire - Voir les 12 commentaires - Partager Précédent : Tara et Toni = 3 Retour à l'accueil