Entretien avec Didier Harpagès : vers une société de sobriété volontaire?

Publié le 21 juin 2010 par Leblogdudd

Le Blog du DD lance sa nouvelle rubrique Célébri’DD ! Au fil des mois, nous vous y proposerons des interviews de personnalités travaillant à repenser notre société, que nous avons repérées au travers de nos recherches dans les différentes publications spécialisées. En espérant qu’ils seront vous intéresserons autant que nous.

Pour cette première, Didier Harpages, professeur de science économique et sociale, objecteur de croissance et détracteur du développement durable, a eu la gentillesse de nous accorder une interview. Il est notamment co-auteur du « Temps de la décroissance » avec l’économiste Serge Latouche. Partant du constat simple qu’une « croissance infinie sur une planète finie » est impossible, il propose de bâtir un nouveau mode de fonctionnement qui ne serait plus basé sur une économie de croissance perpétuelle.  Il s’agit d’un changement radical de paradigme !

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LeblogduDD : Quels seraient les principaux changements à effectuer pour remédier aux crises actuelles (sociale, économique et environementale) ?

D.Harpages : Il conviendrait de changer de modèle. C’est une révolution des idées et des pratiques qu’il faut envisager. Nous devons extraire de nos têtes certaines valeurs auxquelles nous nous référons et quelques normes encombrantes qui déterminent une partie de nos actions depuis longtemps. Les occidentaux défendent une conception du Monde qui se veut universelle mais ils se trompent. D’autres sociétés humaines ont ou ont eu un mode de fonctionnement différent de celui imposé par les sociétés occidentales. Si les sociétés traditionnelles, celles que l’on a qualifié d’archaïques et plus tard de sous-développées, nous ont emboîté le pas c’est parce qu’elles n’avaient pas d’autres choix. Claude Levi Strauss l’avait très bien démontré au début des années cinquante. Avec la colonisation et aujourd’hui la mondialisation, le développement capitaliste a engendré une occidentalisation du monde. Nous devons rompre avec cette logique. Il nous faut donc procéder à ce que Serge Latouche appelle une décolonisation de nos imaginaires. Nous devons penser autrement, nous défaire de l’empreinte économique afin de ne pas oublier l’empreinte écologique. Nous ne devons plus raisonner comme le font les économistes et le rejet de la compétition, de la concurrence, de la performance, de l’efficacité, de la démesure, de la recherche obsessionnelle d’une plus forte productivité et d’une plus grande production devient indispensable car nous savons qu’à ce jeu-là il y aura des perdants, des laissés pour compte, des naufragés de la modernité. Le projet de la décroissance devra s’inscrire hors de la nécessité. Devons-nous « décroître » uniquement en raison d’une baisse spectaculaire et inquiétante de l’ensemble des ressources naturelles ? Certes ! Mais je pense qu’il faudra rendre la décroissance désirable et pas simplement nécessaire !

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Retrouver l’intégralité de l’interview en format PDF en téléchargement libre ou dans la suite de l’article.

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Le Blog du DD : Quel est, selon vous le problème majeur de la société actuelle ?

D. Harpagès : Je préfère répondre que les problèmes sont multiples. Nous vivons aujourd’hui plusieurs crises étroitement liées les unes aux autres : crise sociale, crise du discours politique, crise du discours théorique, crise économique, crise financière, crise énergétique et crise environnementale. La crise financière, née aux Etats-Unis en 2007 – 2008 est déclenchée par une répartition inégalitaire des richesses produites. Les ménages les plus pauvres voient leur pouvoir d’achat progresser très lentement (crise sociale). Pour réamorcer la croissance (crise économique), les banques américaines offrent des crédits hypothécaires à ces personnes pauvres, lesquelles deviennent incapables de les rembourser. Le marché immobilier, alimenté par la dette, se retourne. Les créanciers ne peuvent plus récupérer leurs fonds. La titrisation des créances a mondialisé la dette privée. Les Etats viennent au secours des banques sans exercer le moindre pouvoir de contrôle sur leurs activités (crise du discours politique et du discours théorique : on ne peut pas se défaire de l’empreinte du libéralisme, «There is no alternative», il n’y a pas d’alternative disait Mme Thatcher). La dette privée devient une dette publique (crise financière) et l’austérité est imposée aux Grecs mais aussi aux autres ménages européens. Que nous réserve la réforme des retraites en France ? (aggravation de la crise sociale). Face à cette situation, qu’attendent les élites politiques et intellectuelles, les experts en économie ? Le retour de la croissance. La purge libérale devrait relancer la machine infernale (crise des discours politique et théorique). Or la planète est usée, les ressources s’épuisent, il devient difficile et risqué d’extraire le pétrole (la plate-forme Deep-water Horizon de la firme BP explose, causant la mort de 11 personnes et la marée noire la plus importante que nous ayons connue). Cet aveuglement politique et idéologique accentue la crise environnementale puisqu’une croissance infinie est inconcevable sur une planète finie, ses ressources sont limitées et certaines non renouvelables. Voilà les problèmes majeurs de la société actuelle !

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Le Blog du DD : De nombreuses personnes voient dans la décroissance un concept trop radical associé à un retour en arrière. Que répondriez-vous à cela ?

Il ne s’agit pas de revenir à l’âge de pierre mais de prendre conscience qu’il y a urgence. La croissance n’est-elle pas, d’une certaine façon, une utopie dans la mesure où ses partisans laissent entendre que l’humanité pourra disposer encore longtemps d’un stock infini de ressources et que le progrès technique nous apportera les bonnes solutions à tous nos problèmes ? Beaucoup demeurent fidèles à cette croyance : on n’arrête pas le progrès ! En revanche, la décroissance nous remet les deux pieds sur terre, nous replonge dans la réalité et nous redonne l’espoir d’inventer un avenir où les relations sociales retrouveraient toute leur force face à une abondance de biens accumulés bien souvent de manière obsessionnelle et superflue. Ceci étant dit, c’est l’absurdité de la croissance que je dénonce lorsque je lui donne un caractère utopique !
Est-ce vain d’être radical, d’aller à la racine des problèmes sociaux et environnementaux que nous connaissons? Est-ce regrettable d’inviter nos contemporains à la prudence face aux offensives commerciales et manipulatrices des marchands nourris de l’idéologie publicitaire ? Est- ce inutile de préférer la dissidence et la résistance à l’insouciance et à l’indifférence ?
Evidemment la notion de développement durable est moins radicale et plus consensuelle. Le développement durable est un oxymore qui sème le trouble et anesthésie les esprits contestataires. C’est son ambigüité, pour ne pas dire son incohérence, qui a fait son succès. Des hommes politiques, des entrepreneurs se sont emparés de cette trouvaille sémantique pour maintenir en mouvement la machine économique. Il est désormais concevable de gagner beaucoup d’argent avec le développement durable en se donnant, au passage, une fausse bonne conscience écologique. Comme le dit Paul Ariés, les hommes pollueront ainsi un peu moins mais beaucoup plus longtemps. Le développement économique, authentique croyance occidentale, ne peut pas durer car les hommes et la planète ne peuvent plus supporter une exploitation impitoyable. Je le répète : il faut oser penser autrement, radicaliser nos réflexions et, pour le moins, placer la croissance sous le contrôle des citoyens.

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Le Blog du DD : La « joie de vivre » est un concept fondamental pour les objecteurs de croissance. Pensez- vous que nous ne sommes pas vraiment heureux ?

Posez-vous la question suivante: Etes-vous satisfait de remplacer subitement le réfrigérateur, le fer à repasser, le lave-linge, l’ordinateur hors d’usage alors qu’ils ont été achetés il y a seulement quelques années ou seulement quelques mois ? Les dépenses occasionnées par l’achat de nouveaux objets à l’aide du crédit vous remplissent-elles de joie ? Les sociétés modernes créent de nouveaux besoins dont la satisfaction nous apporte un bonheur conforme aux normes sociales mais souvent illusoire. Nous allons devoir travailler plus pour effacer nos dettes. Les objets rythment nos vies désormais et les efforts fournis pour les acquérir réclament de plus en plus d’énergie individuelle, de plus en plus de monnaie, de plus en plus de disponibilité de sorte que le temps de vivre sa vie aux côtés de ceux qui nous sont chers se réduit considérablement. Si vous prenez conscience de l’obsolescence programmée dans la fabrication des biens industriels ainsi que des pressions douteuses exercées par les publicistes, n’êtes-vous en droit (en devoir ?) de vous indigner ? Vous découvrez alors qu’il s’agit pour ces marchands de rêves de réamorcer à chaque instant la pompe de la consommation et celle de la production ! Marx avait dénoncé au XIXème siècle l’aliénation économique dont était victime le travailleur. Celui-ci était dépossédé du fruit de son travail, il était étranger à son travail. Avec Mai 68 le mot aliénation est devenu synonyme d’asservissement. Toutefois l’idée de la dépossession était encore présente : le consommateur moderne accumule une quantité grandissante de biens tout en étant dépossédé de lui-même. Ne sommes-nous pas, d’une certaine façon, manipulés par ces marchandises ? Pouvons-nous réellement accéder au bonheur éternel grâce à des objets ? Que penser d’une société où les rapports entre les choses ont remplacé les rapports entre les hommes ? Doit-on se réjouir de voir ces gens déambuler dans la rue accrochés à leur portable, reliés à leur réseau et obsédés par le contact permanent tout en demeurant insensible à la présence d’autrui , ce piéton inconnu, celui dont on se méfie? Ou encore, n’est-il pas effroyable d’apprendre qu’en 2003 près de quinze mille personnes âgées sont mortes en France, des suites de la canicule, dans l’indifférence générale ?

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Le Blog du DD : Dans notre société, les inégalités ne cessent de croître. Le modèle économique occidental en est-il responsable ?

Le modèle économique occidental, c’est le celui du capitalisme et il a besoin des inégalités afin de poursuivre son expansion ! Les inégalités sociales engendrent des injustices mais aussi des frustrations qui vont servir de ressort à la croissance de la consommation, laquelle sera devenue l’instrument indispensable d’une compensation symbolique et illusoire. Il ne s’agira plus de consommer pour satisfaire, par nécessité, des besoins authentiques (manger pour vivre, s’habiller pour se couvrir, se chausser pour marcher, etc.) mais pour se distinguer ou pour s’identifier aux membres des classes sociales privilégiées. La société de consommation est une société de consolation. Hervé Kempf, reprenant la thèse de Thorstein Veblen, l’a très bien démontré dans son livre Comment les riches détruisent la planète (Editions Le Seuil). Ces inégalités alimentent la crise sociale, la crise énergétique et la crise environnementale puisque le mécanisme de la croissance illimitée est entretenu. Le capitalisme accorde aujourd’hui une place de choix aux propriétaires du capital. Les actionnaires reçoivent des rémunérations grandissantes tandis que les salariés, jugés trop coûteux et trop nombreux pour garantir aux entreprises la croissance de leur productivité et celle de leurs profits, sont mis au chômage sans ménagement. Les PDG des grands groupes ainsi que certains cadres supérieurs peuvent disposer de stock options qui grossissent avantageusement leurs revenus, les employés et les ouvriers, quant à eux, perçoivent des salaires ne connaissant pas la même progression. Et que dire des parachutes dorés et des salaires annuels de ces mêmes PDG représentant parfois trois cents voire quatre cents années de SMIC ? Nous sommes encore très loin d’un revenu maximum qui évoluerait sur une échelle de 1 à 4, de 1 à 6 voire encore de 1 à 10.

Enfin, si l’on écoute les patrons des multinationales de l’agro-business comme Monsanto ou Pioneer, les OGM apporteraient les quantités de nourriture nécessaires à une population croissante. Outre la logique financière dissimulée derrière ces propositions, c’est surtout la corruption du langage qu’il convient de dénoncer. En effet, la faim croît avec le niveau de développement économique. « Ce n’est pas dans les régions stériles et au milieu des nations les plus barbares que les pauvres sont les plus nombreux, mais dans celles qui sont les plus fertiles et les plus civilisées » déclarait déjà, John M’Farlane, un penseur anglais du 18ème siècle (Lire Karl Polanyi, La grande transformation. Ed Gallimard, page 145). La terre n’est pas moins productive aujourd’hui. C’est la répartition inégalitaire de la production agricole globale qui engendre les disettes et les famines. La FAO reconnaît volontiers qu’une agriculture familiale, paysanne et traditionnelle réalisée sur de petites parcelles assurera la souveraineté alimentaire des peuples d’Afrique et d’Asie. Nous sommes donc en présence d’une situation aberrante : la richesse crée la pauvreté et la croissance mène à la pénurie.

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Le Blog du DD : Très médiatisé en ce moment, quelle est votre position vis-à-vis du climato-scepticisme ?

Ce qui est inquiétant dans cette affaire, c’est la complaisance des grands médias qui, par un effet de loupe, donnent de l’importance à des propos douteux et diffamatoires. Les climatologues sont traités d’imposteurs et le GIEC de mafia dans un livre appelé à connaître un gros succès commercial et écrit par un personnage politique bien connu. Ce monsieur ment allègrement et les Français deviennent subitement, après ses passages sur les antennes ainsi que sur les ondes, climato-sceptiques ! C’est la magie de la communication qui n’a plus grand-chose à voir, ici, avec l’information, puisqu’il s’agit, en réalité, de propagande. Ces manipulations médiatico-scientifiques confirment le point de vue exprimé par Jean Pierre Dupuy : « La catastrophe n’est pas crédible, tel est l’obstacle majeur » (Pour un catastrophisme éclairé. Quand L’impossible est certain Ed Le seuil). Autrement dit, nous savons que la catastrophe écologique va se produire, que le réchauffement climatique est avéré mais nous ne voulons pas y croire ! L’obsession de la croissance et du développement a la vie dure, la cure de désintoxication est, de toute évidence, indispensable !

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Le Blog du DD : Dans votre vie privée, quels sont les efforts que votre réflexion sur le développement durable vous a amené à effectuer ?

Je précise que ma réflexion porte essentiellement sur la décroissance et non pas sur le développement durable puisque je le répète un développement infini sur une planète finie est inconcevable. J’ai précisé que le développement du capitalisme c’est aussi et surtout le développement des inégalités sociales. C’est pour l’objection de croissance que je suis disposé à m’engager.

Curieusement, cet engagement me prend du temps (c’est une obsession !) et il m’est parfois difficile de combiner pleinement ma vie professionnelle, ma vie familiale (nous devons parler avec nos enfants !) les lectures, un peu d’écriture (le livre « le temps de la décroissance » n’est pas très épais et nous nous sommes partagés ce travail, que dis-je cette activité !) et les quelques interventions faites en public. Mais j’éprouve un réel plaisir dans la mesure où ces différentes démarches se complètent. Préparer un repas avec ma compagne et pour mes enfants c’est déjà se positionner dans un certain environnement naturel (le jardin ) dans une relation sociale (le producteur du marché plutôt que le supermarché) c’est prendre le temps de laisser la chaleur du four assurer lentement la cuisson de la volaille, c’est surveiller son alimentation et sa santé (le budget de la sécurité sociale est moins sollicité) , c’est trouver le plaisir de manger tranquillement et de discuter, d’échanger nos points de vue sur ce que nous lisons, les uns et les autres, ou sur ce que nous entendons sur les ondes. Nous avons retrouvé le plaisir de faire le pain nous-mêmes (sans machine, à l’aide d’un levain bio). Nous sommes adhérents d’une A.M.A.P. et nous avons créé une modeste association de consommateurs qui distribue des produits bio et locaux et là encore nos enfants y sont associés. Rien ne nous empêche de participer à des mouvements de protestation collective (les manifs) quand les mots d’ordre présentés correspondent à nos convictions. Il me paraît essentiel d’être le plus cohérent possible avec soi-même bien que je sois, comme beaucoup, sous la pression du système et difficilement à l’abri des contradictions.

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Le Blog du DD : Si je décide de changer mon mode de vie demain, que dois-je faire concrètement ?

Selon moi, la décroissance est un appel à la prudence, à la vigilance, à la dissidence et à la résistance. N’attendez pas de l’objecteur de croissance qu’il vous propose un livre de recettes ou de pratiques « clé en main ». En vérité, tout doit commencer, ainsi que je l’ai dit précédemment, par une désintoxication : il faut se débarrasser de la religion de la croissance. La remise en question est donc, dans un premier temps, personnelle et cela peut nous amener, évidemment, à adopter des conduites responsables, raisonnables, de faire en quelque sorte des gestes utiles. Il serait irresponsable de gaspiller quotidiennement les différentes ressources mises à notre disposition pour vivre, de consommer sans retenue, de ne pas surveiller notre alimentation, de ne pas réduire nos déchets, de préférer en toutes circonstances l’automobile aux transports en commun, l’avion au train. Cela constitue un premier pas nécessaire. Mais il ne suffit pas d’être un consomm’acteur (expression à la mode !) car le chemin qui nous mène vers la société de décroissance est long. Cependant, on peut l’emprunter avec détermination et bonne humeur. Une chose est certaine, nous ne pouvons pas cheminer seuls. La rencontre d’autrui peut passer par la lecture. Des auteurs comme André Gorz, René Dumont, Serge Latouche, Nicolas Georgescu Roegen, Ivan Illitch, Cornélius Castoriadis, Paul Aries, François Brune, Hervé Kempf, etc, me paraissent incontournables.

Nous avons évoqué dans « le temps de la décroissance », écrit avec Serge Latouche, quelques initiatives heureuses et conviviales qui s’inscrivent dans la logique de la décroissance :Les services d’échanges locaux, les A.M.A.P., les monnaies locales, les sociétés coopératives, les écoquartiers, les villes en transition… Il serait souhaitable que ces expériences construites sur la base d’actions collectives se multiplient puisqu’elles mettent l’accent sur la relocalisation ou la reterritorialisation de l’activité humaine. Chacun d’entre nous peut s’associer à ce type d’initiative.
Il convient également de se réapproprier les enjeux politiques. L’engagement, dans ce domaine, peut être celui des élus (et il est respectable) mais n’oublions pas que le citoyen est aussi un centre de décision autonome relié à d’autres citoyens. L’action dans le milieu associatif est de ce point de vue exemplaire.
La décroissance est souvent présentée comme l’équivalent de la récession synonyme de misère pour ne pas dire de chaos ! Il convient évidemment de distinguer la décroissance subie de la décroissance choisie car désirable ! Nous défendons, par exemple, le principe du travailler moins pour vivre mieux et nous rejetons le slogan libéral bien connu : travailler plus pour gagner plus.
Dans ces conditions, comment agir efficacement contre le capitalisme productiviste? Le charbon, le pétrole, l’électricité concurrencent le travail de l’homme. L’énergie accessible et bon marché est, de par sa nature, l’ennemie de l’emploi car elle a très vite permis de substituer le capital, les machines alimentées par cette énergie, au travail. Dans l’agriculture, le tracteur a remplacé l’animal et vidé les campagnes de leurs paysans. Il faudra, dans ce secteur d’activité comme dans ceux de l’industrie et des services, réduire la productivité afin de promouvoir des emplois plus manuels et locaux. Nous n’aurons pas le choix puisque l’époque du pétrole bon marché est bientôt terminée. Nous devons expliquer, sur le lieu de travail, à nos collègues, nos amis, nos adversaires qu’il est possible, dans ces conditions, de créer des emplois sans croissance. Un professeur d’économie de bonne foi peut aisément le démontrer ! Mais il ne faudrait pas que la restauration d’emplois moins productifs et plus nombreux s’accompagne de conditions de travail inhumaines comme celles décrites par Marx ou Zola. L’homme de la décroissance (puis-je dire le travailleur de la décroissance ?) doit retrouver toute sa dignité et ne plus souffrir durant l’exercice de son travail. Chez Ardelaine ou Ambiance Bois, les associés maîtrisent le développement de leur entreprise (il faut savoir ne pas grandir) et font un partage raisonné, réfléchi, discuté collectivement de l’activité et du loisir. Ici encore quelques initiatives qui peuvent inspirer de futurs objecteurs de croissance !

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Si l’article vous a plu, retrouver l’intégralité de l’interview en format PDF en téléchargement libre.