I
Maintenant on remue des graines dans ma tête
j'y entends même parfois, mieux qu'en un kauri
le crépitement envahissant de la mer.
Maintenant mon corps métallifère
s'affaire
à piquer des barbelés sur le firmament;
quant aux papillons épinglés, ils ne sont plus
que des cousins des vampires au coeur empalé.
Le soleil est une orange qu'il faut cueillir,
une belle sanguine dont la chair
promet,
j'en rêve en mâchouillant la limaille de fer,
les tessons de verre et
les lames de rasoir.
Le dos du grand serpent de mer s'est soulevé
crevant ma poitrine, car il voulait jaillir
ce n'est rien : l'on retourne le bâton de pluie,
les grains basculent avec un bruit de raclement
qui évoque celui du papier de verre.
Les montagnes sont enceintes de leurs souris
ou - dans certains cas - de leurs attrapeurs de rêves.
II
GESTES
Je suis fatiguée des gestes, je me replie -
plus d'enchaînements de gestes à flanquer nausée.
J'ai la paresse des gestes, ils me coûtent un max
je préfère me mettre en boule dans mon lit,
ligoter mes membres autour de mon propre corps,
me rétracter ainsi que font
les hérissons
les gestes - à quoi bon ?
L'espace
ne s'étreint pas.
III
BACCHUS
Non, on n'écrit pas de poésie pour briller !
Non, l'on n'en écrit pas pour se faire connaître !
Ni pour séduire, attirer à soi les cheptels
admiratifs, prêts à sauter dans votre lit !
Pas plus n'en écrit-on
pour avoir
du pouvoir.
On écrit de la poésie
parce que c'est
parce que c'est là
que cela
s'impose à vous
d'un mariage des mots et d'un esprit ouvert
qui absorbe tel un buvard tout ce qu'il sent.
Royaume du poète ? Non point les salons
où s'étalent poses creuses et compasseries
mais les fougères et le vent, où il est Bacchus
et Nymphe, où il va nicher sa sauvagerie
dans l'ombre et le mystère des fourrés divins
et dans la corolle de l'émerveillement.
C'est auprès de son arbre et sur les sentiers
qu'il est chez lui, que gambade son oeil perçant;
il se moque de l'avenir, lui, l'immergé
dans la déferlante du présent
qui le noie !
Patricia Laranco.