À lire : Enfants difformes en Somalie... (en italien)
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L'Espresso de cette semaine nous parle d'un dossier de Greenpeace sur les navires toxiques qui transforment en poubelle la Méditerranée, et pas seulement.
Cette histoire de déchets radioactifs et toxiques en tous genres est en train d'exploser en Italie, aussi bien autour des épaves empoisonnées que des déchets dangereux enfouis un peu partout sous le sol italien - et hors des frontières - dans de gigantesques sarcophages d'acier ou de ciment, comme c'est probablement le cas sous le lit du fleuve Oliva ou dans les décharges de Borgo Montello (Latina, à deux pas de chez moi) ou de Pitelli (La Spezia), où auraient respectivement été enterrés scories nucléaires et déchets toxiques provenant du Jolly Rosso, du Zanoobia ou encore la dioxine de Seveso...
[Parenthèse : sous la décharge de Borgo Montello, la présence de 3 sarcophages métalliques a été constatée depuis ... 1995, deux de 20 m sur 10 et un de 50 m sur 50 sans mesure de leur profondeur, mais le rapport a disparu jusqu'en ... 2007]
Je vais pas reprendre tout le dossier (ici la version anglaise), mais juste la partie consacrée à l'assassinat de deux journalistes en Somalie, Ilaria Alpi et Miran Hrovatin.
C'était le 20 mars 1994 à Mogadiscio : 16 ans plus tard, encore aucune vérité ni justice sur cette histoire, comme toujours dans les mystères italiens où les protagonistes sont mafias, services secrets et politiques ripoux. Une affaire étouffée donc, même s'il n'est pas encore trop tard, puisque la dernière demande d'archivage a été rejetée par le juge avec cette motivation :
“…un meurtre sur commission, un assassinat perpétré pour empêcher que les infos recueillies par Ilaria Alpi et Miran Hrovatin sur les trafics d'armes et de déchets toxiques … ne fussent diffusées auprès de l’opinion publique…”
Il faut dire que l'avis du juge se heurte quelque peu aux résultats de la commission parlementaire d'enquête (2004-2006) présidée par l'avocat Carlo Taormina, alors membre du parti de Silvio Berlusconi, qui avait conclu en dépit d'une montagne de preuves contraires accumulées que les journalistes étaient en vacances, qu'ils avaient subi une tentative de rapt et que ça s'était mal terminé !!!
Une semaine de vacances !!! Une conclusion que la mère d'Ilaria Alpi définit "une vulgarité"...
En réalité, une piètre tentative de culpabiliser les journalistes assassinés plutôt que de rechercher la vérité, ou, comme le dit fort justement Riccardo Bocca, une tentative honteuse d'avoir voulu associer une exécution à une villégiature...
Selon un autre journaliste, Luciano Scalettari, spécialiste des questions africaines :
La Commission d’enquête sur le crime d'Ilaria Alpi et de Miran Hrovatin fut une parenthèse, un vide dans la démocratie de ce pays. Autant pour les conclusions auxquelles elle est parvenue que pour sa façon d'opérer, en plaçant sur écoutes téléphoniques et en perquisitionnant des journalistes qui avaient enquêté sur l'affaire, qui plus est de façon totalement illégale (!), en imposant le secret défense à certains actes de la commission, sans compter les preuves qui ont disparu ou qui ont été manipulées, etc.Or le fait qu'ils aient été exécutés le jour même où ils auraient dû transmettre leur reportage à RAI 3, la troisième chaîne italienne pour laquelle ils travaillaient, a très sûrement empêché de faire savoir aux italiens l'énorme scandale qui se déroulait en Somalie, et ce 7 jours avant les élections du 27 mars 1994, les premières élections qui furent remportées par Silvio Berlusconi...
Je n'y vois aucun lien de cause à effet, je constate simplement la pure et dure chronologie.
Mais revenons-en au dossier de Greenpeace, qui cite en introduction :
rien qu'entre 1988 et 1994, nous avons découvert 94 épisodes de tentatives d'exportation ou d'exportations réussies de déchets dangereux vers l'Afrique, pour un total dépassant 10 millions de tonnes de déchets "traitées"...Le chapitre du rapport que j'aborderai ici s'intitule "Somalia Connection", et il cite en introduction les déclarations faites à la presse par Nick Nuttal, porte-parole du Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP), au printemps 2005 :
“Les premiers rapports indiquent que l'impact du Tsunami a ouvert des conteneurs et des futs pleins de déchets toxiques - médicaux, produits chimiques, etc. -, dont le contenu s'est répandu.”
Le rapport de l'UNEP documente d'ailleurs, images à l'appui, que les futs ont été rejetés sur les plages d'une quinzaine de sites :
- Question : d'où venaient ces futs ?
- Question subsidiaire : que contenaient-ils ?
S'il est vrai que, selon les déclarations de l'époque du premier ministre somalien, M. Awad Ahmed Ashra, tenues lors d'une conférence de presse à Nairobi (Kenya) :
“Le tsunami qui a frappé la côte somalienne a rejeté sur les plages de nombreux futs contenant des déchets toxiques. Suite à quoi plusieurs rapports ont fait état de problèmes de santé liés à des hémorragies abdominales et des problèmes cutanés inhabituels.”Des questions qu'il conviendrait peut-être de poser à Giorgio Comerio, voire à Giancarlo Marrocchino, nommément mis en cause par le rapport de Greenpeace comme étant le commanditaire du meurtre d'Ilaria Alpi et de Miran Hrovatin, qui enquêtaient en Somalie sur les méfaits de la coopération italienne dans le cadre de l'opération ONU "Restore Hope", ainsi que sur le "troc" trafics d'armes contre trafics de déchets (y compris nucléaires), outre sur l'enfouissement de ces déchets le long de la route Garoe-Bosasso et sous la jetée du port de Eel Ma’aan, 30 km au nord de Mogadiscio.
Or en mars 2010, Greenpeace a été autorisée à consulter les milliers de pages du dossier n° 395/97 du Tribunal d'Asti, où les témoignages de certains des « acteurs » de cet immense désastre écologique sont sans équivoque !
- Le 25 octobre 1998, dans une écoute téléphonique, Faduma Adid (représentant officiel de la Somalie en Italie) déclarait à son interlocuteur :
La route Bosasso-Garo sera utilisée pour enfouir les déchets... Marocchino est en train de préparer le terrain… Ils ont empoisonné tout le territoire… Ils se foutent totalement du pays et des gens qui meurent. Les déchets toxiques provenant des industries italienne et européenne sont chargés sur des navires dans le port de Trieste, avant d’être répartis entre les différents pays. Il s’agit de déchets toxiques et d'uranium. Ils détruisent tout.- Le 5 mai 1989, un autre témoin, Marcello Giannoni, déclare que des déchets (en provenance probable des Etats-Unis) contenant des matières radioactives (yellow cake), sont très certainement arrivés en Somalie et ont été enterrés pendant la construction du port de Bosasso et de la route Garoe-Bosasso.
- Les 11 et 15 décembre 1998, Ezio Scaglione, consul honoraire de la République somalienne autorisé par le président Somalien à créer une installation de stockage et de traitement des déchets :
déclare qu'il a été impliqué par Guido Garelli et Giancarlo Marocchino dans le “Projet Uranium” (Progetto Urano, Urano 1 pour le Sahara espagnol et Urano 2 pour la Somalie, où la 'ndrangheta côtoie la p2 par l'intermédiaire de Giampiero Del Gamba et Elio Sacchetto...), visant à exporter des déchets toxiques et nucléaires en Somalie, et que Marocchino lui avait assuré qu'il se serait servi de la construction du port de Eel Ma'aan pour y enfouir les conteneurs de déchets nucléaires dans le ciment des jetées.
- Le 24 mai 1999, les enquêteurs observent dans une note confidentielle :
Des témoins se rappellent que des conteneurs pleins de déchets (boues, terreaux contaminés provenant d'aciéries et cendres de filtres électriques, etc.) ont été enterrés dans le port de Eel Ma'aan. Cela est d'ailleurs indiqué dans un fax que Marocchino transmet à Scaglione le 19 août 1996 (à noter que l'autorisation donnée à Scaglione par le président somalien est datée du même jour...).Ces photos, les voici : Et Greenpeace de conclure :
Des photos prises secrètement en février 1997 ... montrent l'enfouissement des conteneurs lors de la construction du port.
Sur la base des conclusions de ce rapport, Greenpeace estime que :L'Italie devrait faire beaucoup de choses, et de facto elle fait très exactement le contraire de ce qu'elle devrait faire...
- L'ONU doit procéder à une évaluation indépendante sur le commerce des déchets toxiques et radioactifs en Somalie, en particulier dans le port de Eel Ma'aan ;
- L'UE doit renforcer les mesures préventives sur le commerce des déchets toxiques et en faire l'un des piliers de la politique de l'UE sur les déchets ;
- L'Italie doit...
L'Italie telle qu'elle est actuellement gouvernée est un grave danger pour l'Europe, notamment en matière d'environnement, de justice et de démocratie, mais pas seulement. Si vous suivez Adscriptor, j'espère que vous pouvez déjà commencer à vous forger votre propre opinion sur la question.
Suite des aventures italiennes au prochain épisode...
Jean-Marie Le Ray
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