Brian W. Aldiss
Denoël, 1959
Non-Stop, 1958
Sans être aussi connu que Fondation ou Demain les chiens, ce livre vieux de 40 ans mérite de figurer parmi les classiques de la SF et sa réédition est bienvenue. Aldiss a brillamment exploité une idée très présente dans la SF des années 40 à 60 — celle du vaisseau stellaire lancé dans un voyage long de plusieurs générations, et dont les occupants perdent et le souvenir de leur mission, et les connaissances nécessaires à maîtriser leur environnement (un exemple plus récent est fourni par le cycle du Long Soleil de Gene Wolfe.) Pas de space opera flamboyant ici, mais déjà un regard plus pessimiste, une obsession de l'enfermement, et — SF britannique oblige — un goût pour la catastrophe.
Roy Complain, donc, est un modeste chasseur d'une tribu des couloirs, qui vit du gibier, de l'élevage et de la récolte des poniques qui poussent à foison dans leur quartier. Un concours de circonstances lui fait quitter les siens en compagnie d'un quatuor de célibataires mal adaptés, et découvrir au terme d'un éprouvant voyage dans les Mortes-Voies la tribu moins primitive de l'Avant. Au passage, il frôlera les êtres semi-légendaires qui hantent le vaisseau, Géants, Hors-Venus, et des hordes de rats décidément trop malins... On se lasse vite de la vie et des combats d'une tribu primitive au sein d'un univers technologique dégradé et incompris. Aldiss sait relancer l'intérêt grâce aux êtres étranges rencontrés par Complain et ses compagnons, et les révélations sur le sort du Vaisseau qui se succèdent en fin de volume. L'explication de la plongée dans l'ignorance de l'équipage de départ a un petit goût de maladie « de la vache folle » — fortuit mais amusant. Surtout, les coutumes des tribus sont colorées par une religion démente, à base de psychanalyse mal digérée, prônant la libération des instincts colériques. Comme allégorie grinçante de la bestialité humaine, Croisière sans escale conserve aujourd'hui beaucoup de son originalité. Pascal J. Thomas