Sourires en berne et croissance crispée

Publié le 21 juin 2010 par H16

Il me semble l’avoir évoqué dans mes billets dernièrement : la France est dans l’après-crise. C’est Christine qui le dit, et Christine, elle est au courant. Avec ses potes ministres, elle tient une buvette (« Le Gouvernemaman« ) où tout le monde discute le bout de gras et le consensus est maintenant évident : c’est l’après-crise. Les joues sont encore rouges, les yeux encore humides, les cheveux encore en bataille, mais les cris ont cessé, les petits mouvements spasmodiques du menton s’arrêtent ; pas de doute, la crise est finie !

Et pour fêter cette après-crise et le retour à la normale, on va rassurer nos partenaires, notamment ceux qui nous donnent des sous, en leur montrant une croissance du feu de Dieu avec plein de pourcents dans tous les sens, par exemple 2.5, pour 2011.

Pour cela, nous allons procéder en plusieurs étapes bien préparées.

Tout d’abord, je crois que c’est clair, on va gagner la Coupe Du Monde. Ca booste les esprits, c’est bon pour le moral, et ça donne une idée assez précise de l’ambiance de folie qui agite la France.

Ensuite, on va obtenir une véritable standing ovation de la part du FMI

Et zuuut…

Ah, voilà comment on casse un bel élan ! Dominique, qui est pourtant tout acquis à la cause française, n’arrête pas de faire son rabat-joie : le voici qui explique doctement avec son petit air de professeur d’université que la croissance française est fragile et les perspectives sont incertaines.

Dominique, enfin ! Comment veux-tu devenir Président de la République avec un aussi mauvais feeling ? Il faut positiver, voyons ! Tu te concentres bêtement sur le taux de chômage élevé, les efforts à faire pour assainir les finances et tout ça, et tu ne vois pas tout le potentiel de croissance et de redistribution dont le système français, toujours envié, jamais copié, est intrinsèquement capable ! Se focaliser sur des petits détails comme les retraites, le hors-bilan de l’état, les dettes, les déficits courants, tout ça, mon petit Dominique, c’est clairement contre-productif !

Oui, certes, on ne peut pas te retirer que le fait que les autorités retiennent des projections de croissance à moyen terme dans le haut des prévisions du consensus risque d’aboutir à une sous-estimation significative de l’ampleur des efforts budgétaires requis, comme tu le fais savoir au travers de ta boutique. Mais tu devrais reconnaître qu’en France, de l’optimisme, on en a à revendre ! Champion du Monde et tout ça, quoi !

Non ?

Bon, ok, on va te faire une petite concession : on va baisser un peu la prévision de croissance, de 2.5% doigt-mouillé à un truc à déterminer plus tard promis juré, genre 2%. Ou 1.8%. Ou 1.5%. Ou 1%. Bref, peu importe : on va te refaire un chiffre plus en accord avec ce que tu veux, et tout ira mieux. D’ailleurs, Christine, la barmaid, reste certaine que le champagne continuera de remplir les flûtes gouvernementales : elle pétule d’optimisme joyeux ! Vous verrez, ça va claquer en 2011, un véritable feu d’artifice de croissance et de bonne humeur.

Et tout ceci n’arriverait pas si les Français eux-mêmes n’étaient pas convaincus que les prochains mois allaient voir un véritable retournement de tendance avec pétarades colorées, explosions citoyennes et festives de bonne humeur et d’activité frétillante !

Tout ça pour dire, mon petit Dominique, qu’on te trouve trop chagrin : la France va bien, elle va même mieux que bien et l’été sera doux, agréable et rempli de bonnes nouvelles.

On peut aussi noter que notre président travaille d’arrache-pied pour un monde meilleur, plein de gouvernance et de régulation supplémentaire, de gouvernement économique qui viendrait s’ajouter sur le gros gâteau joufflu européen, histoire d’accroître le pouvoir bureaucratique des états sur la vie des citoyens, chose dont on sait pertinemment que c’est une excellente méthode pour rendre les gens heureux : travailler plus pour l’état pour gagner plus d’impôts et de taxes.

Certes, ce protestant un peu pingre de Rompuy et ce terre-à-terre prétentieux de Cameron ont légèrement égratigné l’extraordinaire proposition du président Sarkozy, au point qu’en réalité, le gouvernement économique européen qu’il appelait de ses vœux a été envoyé aux pâquerettes. Zut de zut, pourtant, c’était l’occasion d’insuffler un nouvel élan keynésiano-dépensier à cette Europe ridiculement attachée à des colifichets comme le pacte de stabilité, des déficits modérés et une tenue de compte absolument exempte de toute créativité !

Ces gens du Nord ne savent pas vivre ! Tout le monde sait qu’en dépensant aujourd’hui l’argent qu’on n’aura pas demain, on crée hier des emplois de gens qui seront au chômage maintenant et plus tard ! Et ça, c’est très bien, enfin voyons ! Les générations futures, auxquelles on attachera la plus grande importance lorsqu’il s’agira de climat et des taxes afférentes, sont parfaitement aptes à supporter des ponctions violentes et répétées quand il s’agit d’aider leurs anciens (qui sont les moins-anciens de maintenant, si vous me suivez).

Bref.

Pendant que les affaires les plus sordides s’empilent à un rythme que peut qualifier de louche, qu’on occupe les Français avec des jeux de plus en plus médiocres rythmés au son de vuvuzelas médiatiques de plus en plus assourdissantes, l’équipe en place au gouvernement montre une fois de plus sa totale et rédhibitoire incompétence à gérer les affaires du pays, en alignant dans la plus parfaite décontraction et – pour tout dire – l’indifférence des médias, des prévisions totalement fantaisistes, en affichant un optimisme de façade qui fait froid dans le dos par le mélange de cynisme, de détachement et d’irresponsabilité.

Non seulement, le réveil sera d’autant plus brutal que la réalité aura été camouflée, mais aucune lumière ne semble venir, aucun homme providentiel ne se détache : on ne peut pas dire que l’emphase et l’air chaud agités avec le brio d’un artiste de cirque chevronné dont Dominique de Villepin a fait preuve lors du lancement de son bidule politique permette de lever le moindre doute sur la vacuité de son agitation purement médiatique.

Aucun homme providentiel, un troupeau d’incompétents béats et cyniques, des finances en déroute, une opposition ridicule et archaïque, des manoeuvres de diversion consternantes … Ce pays est foutu.