Sous la Cinquième République, nous avons déjà connu trois cohabitations, deux sous la Présidence de François Mitterrand, Jacques Chirac étant Premier ministre de 1986 à 1988 et Edouard Balladur de 1993 à 1995, et une sous la Présidence de Jacques Chirac, avec Lionel Jospin Premier ministre de 1997 à 2002. A ma connaissance, les articles de la Constitution définissant les rôles respectifs du Président de la République et du Premier ministre n’ont pas été modifiés depuis. C’est donc, me semble-t-il, en violant la Constitution que Nicolas Sarkozy s’arroge en permanence les fonctions de Premier Ministre.
Je connais fort bien la justification donnée à ce tour de passe-passe. On prétend que la Constitution prescrit désormais que l’élection présidentielle précède les élections de l’Assemblée nationale. C’est inexact. En effet, l’article 7 de notre Constitution stipule ceci : « L'élection du nouveau président a lieu vingt jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l'expiration des pouvoirs du président en exercice. ». Nicolas Sarkozy ayant été élu le 6 mai 2007, l’élection de son successeur devrait avoir lieu en avril 2012. En ce qui concerne les élections législatives, le code électoral fournit deux articles. L’article L.O. 121, stipulant : « Les pouvoirs de l’Assemblée nationale expirent le troisième mardi de juin de la cinquième année qui suit son élection. » et l’article L.O. 122 précisant : « Sauf le cas de dissolution, les élections générales ont lieu dans les soixante jours qui précèdent l’expiration des pouvoirs de l’Assemblée nationale ».
Ces deux derniers articles autoriseraient donc, en cas d’achèvement normal de la présidence de Nicolas Sarkozy, de fixer les élections législatives après l’élection présidentielle. Mais notre pays a déjà connu un Président n’ayant pu terminer son mandat, le président Pompidou, élu pour sept ans le 15 juin 1969 et décédé le 2 avril 1974. En outre, la mort du Président n’est pas la seule raison de l’interruption d’un mandat présidentiel avant son terme. La Présidence peut se trouver vacante ou le Président peut être empêché. Rien ne lie donc l’élection présidentielle au deuxième trimestre de l’année. Il en va de même pour une dissolution, qui peut intervenir à tout moment. Ce n’est pas parce qu’en 1997, les législatives suivant la dissolution ont eu lieu les 25 mai et 1° juin que, dans l’avenir, élection présidentielle et élections législatives continueront à se présenter dans ce même deuxième trimestre et pourront être fixées dans l’ordre réalisé en 2007.
Donc, rien dans la Constitution n’impose aux législatives de suivre la présidentielle. On ne peut donc prétendre, comme le font les adorateurs de Nicolas Sarkozy, que la Constitution confère au Président une prééminence sur le gouvernement. Il semblerait d’ailleurs que celui-là l’ait compris, lui qui découvre maintenant à quoi peut servir un Premier Ministre.
D’où lui vient cette illumination subite ? C’est ce que je tenterai d’expliquer dans un prochain billet.