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Bois du gras !

Par Olif

Le gras, ça se mange, mais ça se boit aussi. Avec délectation quand, dans un vin, les larmes adhèrent le long du verre.

« J'aime pas le jambon, j'aime que la couenne,

J'en coince un bout entre mes dents,

Je tire dessus, c'est amusant.

J'mets même du beurre dans ma tisane

C'est un bonheur d'en mettre autant

Le gras ça flotte, c'est élégant.

Mets du gras,

Etale-z-en bien, mets-en par là,

Du bon gras,

Plus il y en a, plus c'est la joie !»

Ce cultissime hymne au bon gras, sur un air disco, on le doit à une erreur de jeunesse des Fatals Picards, bien avant qu'ils ne succombent aux sirènes de l'Eurovision. Il m'arrive de l'écouter parfois en boucle pour me réconforter, lorsque, dans des moments de  grande déprime existentielle, je tartine, en triple couche, saindoux, graisse de canard et beurre de cacahuète, sur une grosse tranche de pain de campagne, trempée avec volupté dans un verre dans un verre de Bourgogne blanc vinifié à l'ancienne, aux bons arômes de beurre (et de noisette).

Côté cuisine, on dit d'un poisson qu'il est meunière lorsqu'il s'est noyé dans le beurre. Et d'un meunier (ou tout autre espèce d'individu) qu'il est beurré lorsqu'il s'est noyé dans la boisson. En matière de glougloutologie, on dit d'un vin qu'il est beurré lorsqu'il a du gras. Non pas quand on a laissé tombé un morceau de couenne de jambon dans son verre, mais lorsque sa texture est onctueuse, parfois carrément huileuse, comme une peau de poulette brésilienne enduite de graisse à traire autobronzante et bien rôtie sous le soleil d'Acapulco. Cette onctuosité, le vin la tient notamment du glycérol, un tri-alcool contribuant également à l'élaboration des lipides. Les lipides sont des corps gras qui donnent à l'homme son intelligence. Sans eux, point de matière grise, donc point de cerveau . Au vin, ils donnent de la cuisse et, parfois, à la femme, aussi. On appelle alors ça une culotte de cheval.

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Le plus célèbre des glycérols s'appelle glycérine. La glycérine est parfois utilisée pour lubrifier. À dose modérée, toutefois. Ni trop, car ça peut tout faire péter. Quand ce n'est pas laxatif. De là à augmenter sa consommation de vins gras à visée exonérante, il y a une fosse qui me laisse complètement sceptique.

A l'instar de Tonton Georges, les bons vivants plébiscitent souvent les vins enrobés, à beaucoup plus de cent sous l'unité. Ils ne se sentent pas trop concernés par les squelettes. Ils aiment mater de la grosse cuisse qui glisse le long des parois du verre. Ils la liposucent avec délectation, faisant circuler le gras liquide tout autour de leur palais, des gencives au voile, en passant par les amygdales. Et ça fait des grands slurps ! Et ça fait des grands slurps! Comme quand on boit, à même l'assiette, une bonne sou-soupe bien grasse. Ce gras, c'est la richesse et l'opulence, le symbole d'une existence pléthorique au cours de laquelle il ne fait pas bon boire maigre, sauf pour celles qui cherchent à faire fortune dans le mannequinat de compétition. Il arrive aussi, comme chez Elite, que des vins trop maigres se suicident dans l'évier. Les vins gras, non. Eux, ils resteraient coincés dans le siphon. D'ailleurs, il leur arrive également de bloquer au niveau des amygdales chez certains dégustateurs amateurs d'épure et de vins minéraux. Il en faut pour tous les goûts œnophiles !

Oncle Olif

P.S. : certains esprits cartésiens mal tournés soutiennent que la cuisse du vin ne vient pas du gras, mais de la richesse en alcool, qui modifie la tension superficielle des liquides. Ça me chagrine quelque peu car cela nuit à la clarté de mon texte. Nous les mépriserons, donc.

P.S.2: Billet écrit pour Fureur des Vivres en mai 2010


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