Le Maroc, un pays qui réfléchit à la mise en place de la fiscalité environnementale

Publié le 01 juin 2010 par Rcoutouly

      

Je commence un travail de comparaison entre  les Etats (benchmarking politique) : comment s'emparent-ils de l'outil de la fiscalité environnementale?

Dans le monde francophone, de manière assez étonnante - car on attendrait plutôt un pays très développé - une nation se distingue : le Maroc. La réflexion sur la question, la mise en place de politiques fiscales (certes encore frustres) y sont souvent plus avancées qu'ailleurs.

On peut expliquer ces particularités par plusieurs facteurs :

-La volonté du Roi, Mohammed VI, qui a exprimé clairement, dans ses discours, sa position : "Le développement industriel et la promotion touristique devront s'opérer dans une logique de développement durable, (...). Les projets réalisés et ceux à venir doivent désormais obéir à un cahier de charges précis (...), qui concilie les impératifs du développement socio-économique et la préservation de l'environnement et le développement durable". (voir le discours du trône 2009 particulièrement qui a joué un rôle accélérateur dans ce processus).

-Cette prise de conscience, à la tête de l'exécutif, est partagée par une frange de plus en plus nombreuse des élites de la Nation marocaine. Elle s'explique par les particularités d'un pays dont le développement repose, en grande partie, sur un tourisme qui profite de milieux naturels exceptionnels. Ce pays  a aussi un important potentiel en énergies renouvelables  grâce à son littoral océanique venté, à son climat ensoleillé et à une topographie montagneuse favorable aux installations de pompage-turbinage régulant ces ressources irrégulières.

Ce volontarisme est à la source d'une dynamique qui emprunte plusieurs chemins complémentaires :

-le pilotage général d'une politique d'ensemble autour du Conseil National de l'Environnement et de la charte de l'environnement qui en constitue le fil directeur.

-une réflexion des chercheurs marocains autour de ces questions Citons par exemple  Hamid RHIOUANI   qui a travaillé sur le coût du laissez-faire écologique dans le royaume cherifien dans la lignée de Nicholas Stern (études méso-économiques) ou  Mohammed BAJEDDI  qui a étudié le marché de l'environnement au Maroc. Cette réflexion s'est structurée autour de l'association AMEDE (association marocaine des experts en gestion des déchets et en environnement).

-une prise de conscience des milieux économiques marocains. La réflexion est devenue collective autour, par exemple,  de la structure transnationale du  Réseau des entreprises maghrébines pour l´environnement

-le lancement de nombreux projets de productions d'énergies renouvelables. Citons le parc éolien à Akhfenir   de 100MW, la station de pompage-turbinage d'Afourer  remarquable projet innovant, et même la future centrale combinée d’Aïn Béni Mathar qui comportera un module solaire de 20 MW.

-l'instauration de fonds dédiés dont les plus connus sont le FNE (fond national pour la protection et la mise en valeur de l'environnement) et le FODEP (fonds de dépollution industrielle). Ces fonds sont de bonne augure pour l'instauration d'une fiscalité environnementale cohérente et diversifiée, car ils révèlent l'appétence d'une société réceptive à la fois aux problèmes environnementaux et à des solutions concrètes passant par des outils fiscaux.

Ces atouts ne doivent pas cacher les difficultés et les handicaps du pays en ce domaine : une bureaucratie source d'inertie, une population, qui dans son ensemble, n'est pas réceptive, aux problèmes environnementaux et une coordination largement perfectible des différents programmes ministériels.

Conclusion : Le Maroc, pays en développement, semble être un des pays les plus réceptifs à la mise en place d'une fiscalité environnementale de deuxième génération. Son statut avancé accordé au Maroc en 2008 par l'Union Européenne pourrait être le levier qui lui manque pour déclancher le processus de sa mise en place.