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Sauvons la Pingouinie!
gracias y desgracias de l'hispaniste [universitaire] postmoderne
dimanche 7 février 2010
A bas le castillo-centrisme!!!
Attention avant de lire cet article, pour les mal formés du côté de l'humour et ceux qui confondent un pingouin avec un manchot: ici, à SLP (Sauvons la Pingouinie, pour les intimes), nous défendons l'idée qu'il n'existe PAS un espagnol universel (ce qui ne veut pas dire que vous devez utiliser votre dico de la RAE pour caler une commode) mais de nombreuses formules, formes et manières de s'exprimer en espagnol. En tant que professeure, il nous semble nécessaire que les étudiants le sachent le plus tôt possible, pour éviter de devenir des caricatures de madrilènes et/ou de vallesoletanos. Car partout où l'on parle l'espagnol, la langue est vivante et son vocabulaire mérite d'être pris en compte. On fait tout un scandale pour quelques anglicismes. Il y a pourtant plus choquant. Ce qui est d'un comique consommé, chez les profs d'espagnol n'ayant pas résidé plus de deux ans dans un pays hispanophone (et cet aspect doit aussi apparaître chez les anglicistes et les germanistes, ya pas de raison), c'est leur manière insistante d'employer des termes étroitement castillans devant leurs élèves et lors d'une conversation courante pour désigner des choses faisant partie de la réalité française ou des termes argotiques. Ils ne peuvent pas parler du lycée, c'est "el insti"; pour eux, le boulot, c'est "el curro" et ils vont jusqu'à pousser la cuistrerie jusqu'à vous mordre quand vous dites "mi celular" à la place de "mi movil". ...Et nous passons les détails sur leur manière de prononcer l'interdentale (c/z), de combattre le yéisme à grands renforts de langue en prétendant que les élèves comprennent mieux (tu parles!) et de cracher les jotas. Après tout, chacun sa norme, même si elle est artificielle... Et pour quiconque a vécu plusieurs années en Catalogne, Andalousie, ou dans les contrées certes sauvages, mais bel et bien hispanophones de l'immense Amérique, et/ou dont les parents parlaient espagnol à la maison c'est un peu enquiquinant de se faire reprendre à chaque fois que l'on dit (par exemple, cf. sous-titre pour les certifiés/agrégés/neuneus en prépa concours égarés): "esos cabrones ni chambean ni nada, en la prepa se la pasaron mandando mensajitos en el celular, que se chinguen, que mañana les toca examen sopresa de vocabulario" (version mexicaine, pour ceux qui n'auraient pas reconnu) ou "esos boludos no laburan, anduvieron mandando mensajes con el celular, les voy partir bien el orto"(plutôt Cône Sud) parce que l'on devrait dire "esos chicos no curran, en el insti mandaron mensajes por el movil, que se vayan a la hostia, que mañana les toca examen extraordinario". Même si personnellement les trois propositions me font rire (bon j'ai choisi une phrase marrante, pour les non-hispanophones, ça donne quelque chose comme "ces branleurs (d'élèves, d'étudiants, of course) ne foutent rien, ils ont passé le lycée à envoyer des sms, eh bien qu'ils aillent se faire voir, demain je leur colle une interro surprise de vocabulaire"), je ne pense pas qu'il y en ait une que l'on doive transmettre en priorité. Et l'argument de ceux qui disent qu'il faut apprendre le castillan stricto sensu parce que c'est un espagnol majoritaire, ils sont hautement rigolos. Heu... démographiquement, combien de gens diront laburar ou chambear plutôt que currar? Petit boulot du dimanche soir: aller sur wikipédia et comparer, en nombre d'habitants a) la somme Uruguay+Argentine+Chili b) le Mexique et ses colonies (Los Angeles, Chicago, etc.) c) le nombre de Castillans (donc la somme des communautés des deux Castilles+Madrid). Il me semble que s'il y en a un qui est gravement minoritaire, c'est bien le currar (en plus c'est un mot assez moche). A mon avis ils sont moins nombreux que la population de Mexico DF, les méchants chilangos. L'avantage d'une langue parlée dans plusieurs pays, c'est qu'elle peut se démultiplier et s'enrichir, accepter de nombreuses possibilités. Or, il y a comme un problème, en France du moins. Un des profs de votre servante, du temps -déjà- lointain où elle préparait l'agrég en Sorbonne (pas plus de détails), pingouin andalou véridique, déclarait qu'à part les vieilles biques de la Meseta et des générations d'hispanistes francophones, plus personne n'employait tout un tas de codes archaïques (ll ‡y, entre autres, mais pas seulement), et que l'argot évoluant très vite, des tas de gens employaient toute leur carrière durant des mots appris durant leur année erasmus ou autre, qui n'avaient plus aucun sens depuis longtemps dans un pays hispanophone. Pour avoir depuis traîné dans le secteur, on peut dire que sa constatation est ô combien! vraie. Et qu'une chose est certaine: un bon hispaniste (comme un bon angliciste, un bon germaniste, un bon italianiste ou même un bon littéraire tout court) ne peut pas se contenter de "j'y ai été en Erasmus d'abord, pis mon voyage de noce c'était à Cancun, alors le mexicain je connais, d'ailleurs c'est trop drôle, les mexicains ils savent pas conjuguer le subjonctif" (témoignage véridique). Il doit faire du terrain. Le plus possible. Même si ce n'est pas -quel euphémisme!- chose facile de nos jours. Et pour parler devant les élèves/étudiants, alors? (en conversation privée, tout est funky et mélanger plusieurs normes, c'est super marrant, c'est customiser la langue) Eh bien, étudions des textes. Mais des textes authentiques, pas de saloperies édulcorées. Et de tout: argentins, mexicains, cubains, andalous, et... pourquoi pas, castillans. En rappelant chaque registre. Chaque usage. Et pour le reste, rester neutre. Le lycée français ne peut pas être assimilé à l'insti espagnol ou à la prepa mexicaine. Le mot liceo existe. Il n'y a qu'à l'employer.source: hispanophobia-philia.blogspot.com/2010/02/bas-le-castillo-centrisme.html