L’autre musée - les collections d’art privées bulgares s’exposent, Sofia

Publié le 20 juin 2010 par Regardscurieux

L’Union des collectionneurs privés bulgares, fondée en 2010, crée l’événement par une exposition exceptionnelle à la Galerie nationale d’art étranger à Sofia qui présente des toiles inconnues de maîtres bulgares et d’autres objets historiques intéressants.

L’événement est de taille car, c’est la toute première exposition de ce type en Bulgarie. En phase avec les pratiques européennes et mondiales, les collectionneurs bulgares ont voulu présenter les éléments les plus exceptionnels et peu connus de leurs collections, tout en expliquant leur démarche individuelle et leurs choix.

Les 32 collectionneurs présents n’ont pas l’allure de magnats de la finance internationale, j’y ai vu des noms de peintres comme Svetlin Rusev et d’autres artistes. Cette exposition met en lumière l’apport incontestable de l’individu attentif et sensible à l’art qui lui est contemporain, prêt à soutenir la création et les artistes, même si leurs oeuvres sont parfois atypiques pour l’époque.

Parmi les belles oeuvres que j’ai pu admirer se trouve une toile exceptionnelle de Zlatiou Boyadjiev: Zefirka (1945) de la collection du peintre Svetlin Rusev.Elle est élaborée dans un style qui rappelle les peintres flamands du XV-XVI siècle: les couleurs irradient une lumière claire, les traits et les détails sont précis et minutieux, les paysages en perspective illustrent les activités quotidiennes au bord de Maritza. Trois autres toiles du même peintre, provenant d’autres collectionneurs, illustrent les étapes ultérieures de sa création et son changement de style.

L’importance de cette exposition est toute particulière car elle s’inscrit dans le contexte de la réforme législative majeure concernant les valeurs culturelles en Bulgarie  ( loi sur l’héritage culturel  JO n°19 du 13.03.2009) et qui réglemente, entre autres, le droit de détenir des oeuvres d’art et leur commerce.

En fin septembre dernier, la Cour Constitutionnelle bulgare a approuvé , dans une large mesure, cette loi controversée qui légalise, sous certaines conditions ( texte de la décision en bulgare ), la “detention” privée d’oeuvres d’art et de trésors archéologiques. Le Médiateur de la République, à l’origine de ce recours, avait  considéré que la nouvelle loi viole le droit de propriété privée car elle soumet le commerce d’objets de valeur culturelle à une procédure d’enregistrement complexe par les autorités d’Etat. Si  au cours de l’enregistrement, l’Etat estime que les biens peuvent être considérés comme faisant partie de l’héritage culturel, alors un régime de commerce encore plus restrictif s’applique.  Par ailleurs des sanctions pénales sont en jeu. L’action  du Médiateur était soutenue par de nombreux intellectuels qui dénoncent les restrictions du marché d’art.

Les personnes qui possèdent des oeuvres d’art avaient  jusqu’au 31 octobre 2009 pour les déclarer, ce qui a conduit à l’enregistrement de 150 personnes. Il serait très intéressant de suivre la mise en oeuvre de la loi par les juridictions nationales ainsi que  d’ eventuels examens de compatibilité auprès de la Cour des droits de l’homme à Strasbourg.