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Arroseurs arrosés

Publié le 20 juin 2010 par Jlhuss

113974338.1277020957.jpgIra brevis furor, disaient nos ancêtres les Romains. Oui, la colère est un petit accès de folie, éventuellement purgatif quand il est sincère. Mais lorsque la colère est feinte, emberlificotée de calculs, elle risque fort, et c’est bien fait, d’arroser l’arroseur.

Un collectif de professeurs inspiré par le SNES s’insurge contre l’inscription du Salut, dernier tome des Mémoires de guerre du général de Gaulle, au programme du bac L 2011, dans sa partie « Littérature et débat d’idées » ; et nos doctes de lancer une pétition  pour exiger le retrait du livre. Motif affiché de la protestation : cette œuvre, c’est de l’histoire, non de la littérature. Etroite conception de l’œuvre « littéraire » : César, Tacite, Saint-Simon, Michelet, j’en passe, seront heureux dans leur enfer d’apprendre qu’ils n’étaient pas d’authentiques écrivains. Et le rapport même de l’histoire à l’écriture ; le double regard narrateur/acteur du mémorialiste, n’est-ce pas matière possible à « débat d’idées » ? Pourquoi nos lycéens ne sauraient-il appliquer leur finesse d’analyse à cette problématique comme au récit d’une période assez proche pour que leurs grands-parents l’aient vécue, dont ils ont appris le déroulement en Première, récit conduit dans une belle langue classique, qui plus est sous-tendu par l’amour de la France et le refus de la tyrannie ? On cherche  sous le prétexte le vrai motif de la rogne et on le trouve : la promotion scolaire du fondateur de la Ve République à la veille d’élections présidentielles, quelle insupportable ingérence ! Gageons que le programme ne sera pas modifié et que les protestataires ne gagneront à cette querelle que le soupçon de leur inculture ou de leur mesquinerie.

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Les coups de sang devant micros relèvent moins souvent du cri du cœur que du marketing. Mme Aubry fulmine à propos des retraites contre Madoff-Sarkozy. Selon la dame du care, l’abandon de l’âge légal de la retraite à soixante ans, outre un crime de lèse-Mitterrand, est une saignée du peuple perpétrée par un nouveau Dracula. Scrogneugneu, on va voir ce qu’on va voir ! Et la dame de prévenir que la gauche prochainement élue abrogera la loi scélérate ! On lui objecte que toute l’Europe part en retraite autour de 65  ans : « I don’t care, je m’en fiche ! » ;  qu’on va vivre de plus en plus vieux : « I don’t care, je ne veux pas le savoir ! » ; qu’il y aura de  moins en moins de jeunes pour faire tourner le machin  : « I don’t care,  rien à cirer ! » ; que DSK a reconnu, et qu’elle-même naguère admettait… : « I don’t care, laisse béton ! ». Ce déni de réalité répond bien sûr moins au souci de sauver la retraite par répartition qu’à celui de se positionner ferme dans la course en sac des primaires-PS. La première secrétaire croit se placer au cœur des « forces vives ». Mais que sait-on , hors élections, du sentiment profond d’un peuple moins chimérique qu’on ne le pense ? Il serait plaisant que l’opinion renvoie Aubry à sa colère d’estrade et sache finalement gré  à Sarkozy de son courage.

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Même lâchée du bout des lèvres, et ces lèvres fussent-elles aussi bien dessinées que celles de Rama Yade, sa dernière petite vacherie risque de revenir dans le pif de l’envoyeuse. On sait que la jolie dame en son poste, à défaut d’avoir grand chose à faire, trouve toujours quelque chose à dire. Sa spécialité : titiller le gouvernement auquel elle appartient et se payer le panache de « résister » au Président qui l’a nommée. Comme aurait dit ma grand-mère, elle aime bien « faire l’intéressante ». Moyennant quoi bien sûr elle arbore, outre une carnation de velours, un bel indice de popularité. Dernière trouvaille en date pour accréditer la fiction qu’elle est « d’en bas », proche des vraies gens etc. : se dire choquée du prix de la chambre d’hôtel de notre équipe de foot en Afrique du Sud. Boomerang : nous apprenons que sa propre chambre est encore plus chère ! L’équipe de France aura sans doute perdu la qualification, mais Rama Yade sûrement une occasion de se taire.

L’argent, c’est vrai, est haïssable en France. Surtout celui des autres. Tels journalistes ou tels politiciens pointent du doigt le mirobolant salaire de Mme Boutin, « un scandale au moment où tant de Français souffrent » . Possible. Qu’ils  dévoilent leurs propres revenus. Et quand tel ex-Premier ministre se dresse en recours gaullien contre les dégâts du gouvernement, n’oublions pas de lui rappeler son CPE. Au reste, on a l’« appel » qu’on peut : celui du 18 juin ou celui du procureur.

Bref, les pères nobles et mères-fracasse seraient bien inspirés d’y regarder à deux fois avant d’emboucher la tirade de l’indignation. Chez nous, parterre frondeur, on veut bien applaudir les colères vraies, mais on sait huer les histrions.
Arion


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