"Concerto à la mémoire d'un ange" Eric-Emmanuel Schmitt

Par Manus

Dans son genre de prédilection, à savoir la nouvelle, Eric-Emmanuel Schmitt signe ici, par "Concerto à la mémoire d'un ange", éd. Albin Michel, 2010, un recueil étonnant.

Ce livre, qui a reçu le prix Goncourt de la nouvelle, rassemble quatre histoires, bien distinctes, mais pourtant reliées entre elles par un thème commun, celui de la liberté, ainsi que par la présence discrète mais essentielle : Sainte Rita, patronne des causes désespérées. 

La première nouvelle, "l'empoisonneuse", raconte le parcours de Marie Maurestier, femme de soixante-dix ans, qui, dans son village de Saint-Sorlin, ne laisse pas les habitants et les touristes indifférents.  Envahi régulièrement par les média, tout ce petit monde observe sans relâche les moindres expressions de cette vieille dame.

En effet, sans entrer dans les détails pour ne pas trop en dévoiler au futur lecteur, Maurestier aurait un profil de tueuse; acquittée, certes, mais malgré cela le doute plane constamment, telle une épée de Damoclès, au-dessus de sa tête.

Une rencontre avec un prêtre bouleversera sa vie, et surtout, le lecteur.

La seconde nouvelle, "Le retour" met en avant Greg, homme à la carrure puissante, travaillant à bord du cargo Grandville.  Homme à tout faire, technicien, grand travailleur, il oeuvre sans relâche à la tâche.  Jusqu'au jour où une dépêche inattendue lui parvient.  Son monde tranquille et équilibré bascule, ses repères s'estompent, et cet homme,  fonctionnant par habitude, se verra dans l'obligation de vivre une profonde remise en question, et ce, jusqu'au bout de son être.

En troisième lieu, "Concerto à la mémoire d'un ange", nous ouvre à  l'univers musical, principalement au travers des personnages de Axel et de Chris.  L'un et l'autre, grands virtuoses, seront amenés à être confrontés en duel musical.  Chez chacun, des événements les pousseront dos au mur, leur imposant des choix à prendre.  Par ceux-ci, leur vie prendra un tournant radical.  Mais est-ce pour autant qu'ils y seront nécessairement enfermés ?

Et enfin, "Un amour à l'Elysée", parcourt la vie atypique du Président de la République et de son épouse.  Le lecteur suivra avec une certaine inquiétude leurs péripéties amoureuses, et jusqu'au bout, retiendra son souffle en attendant la chute.

L'avantage de ces nouvelles, c'est qu'elles permettent à l'auteur une épuration maximale du style, conférant ainsi aux histoires une intensité difficilement retrouvée dans les romans.  Leur structure ramassée, provoque un condensé, tant dans le rythme soutenu que dans les émotions.

C'est sans oublier les chutes de chacune, qui, comment dire, sont bien sûr surprenantes, mais surtout, nous font dire que l'auteur est malin, qu'il a su remarquablement bien agencer son pitch.

Ici, l'auteur aborde une fois de plus un thème qui descend jusqu'au fond de l'être, auquel personne ne peut échapper, et qui certainement, amènera tout et chacun à y être confronté tôt ou tard.

La liberté, telle qu'il l'aborde dans cet ouvrage, relève non seulement des choix que d'aucuns pourraient être amenés à prendre, mais surtout sur le libre arbitre dont nous sommes pourvus.

Par notre vie, par les événements qui l'ont jalonnée, sommes-nous prédestinés à prendre telle ou telle décision ?

Avons-nous réellement le choix ?

Et surtout, est-il possible pour une personne de changer, de se transformer, ou autrement dit, de vivre une rédemption ?

Avec brio, Schmitt nous offre des histoires dont émergent des personnages attachants, confrontés à des choix de vies essentiels; soit ils prendront le tournant de la rédemption, soit ils s'enfonceront davantage vers le désespoir, propulsé en cela par une sorte de déterminisme auquel ils n'auront su faire face.

L'apport de ce livre est inestimable car il force le lecteur à se réfléchir, à se pencher sur sa propre vie, et à approfondir ce thème si vaste mais pourtant inhérent à chacun d'entre-nous : la liberté.  La vraie.

Panthère.