Je sais que Patoumi aime beaucoup Hervé Guibert. Vous vous rappelez cet ange blond dont on voyait beaucoup la photo en devanture des librairies dans les années 90 ? (dans mes souvenirs du moins) Son écriture est à l’opposé de cette beauté classique ; tranchante, nette, fouillant les viscères, dégonflant les mensonges et les hypocrisies. J’ai lu il y a longtemps Le protocole compassionnel, qui relate son rapport à la maladie qui allait l’emporter, le sida. Mes parents est l’autobiographie d’un trentenaire (titre mi-trompeur, puisque c’est son enfance et son émancipation que raconte le narrateur, mais il donne comme point de départ de l’écriture la révélation d’un secret honteux et clôt son récit avec la mort de la mère).
C’est un récit de détestation et d’agacement avec des éclairs d’amour. Il peint un couple uni seulement par le goût de l’argent, marié par calcul (une erreur de jeunesse à maquiller, une situation à obtenir), fui aussi vite que possible par ses enfants, dans la maternité précoce pour la fille aînée, dans le théâtre et des liaisons réprouvées pour le narrateur. Je ne me suis pas sentie loin d’Annie Ernaux lorsqu’il cherche à mesurer le fossé qui s’est creusé entre eux et lui devenu parisien et écrivain, eux prenant naïvement la mesure de sa notoriété à son apparition à la télévision. Je ne peux m’empêcher d’admirer ces faits posés là, en lumière, ces intimités parfois rebutantes qu’on rejette et cherche à oublier à mesure qu’on se fabrique de nouvelles habitudes, intimités qui paraissent plus détestables quand on est forcé de renouer avec elle à l’occasion. Admirer ce compte-rendu, ce rapport sur eux, sur ça, si intime qu’il devient universel.