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La solution: Suite française, d’Irène Némirovsky

Publié le 20 juin 2010 par Chantalserriere

Les temps s’y prêtent: ce jour du 17 juin, où la France, par la voix du Maréchal, annonçait sa capitulation…Irène Némirovsky le retrace dans ses carnets. Ces fameux carnets qui resteront fermés de 1942 à 1998! Il faudra tout ce temps à ses filles, en effet, pour oser ouvrir et lire cette “Suite française” que leur mère laissait derrière elle, après son arrestation (1942) et sa mort en déportation.

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Il s’agit ainsi d’un roman posthume, publié chez Denoël et qui obtint le prix Renaudot en 2004.

Comme l’ouvrage de Hans Fallada, “Seul dans Berlin” dont j’ai déjà parlé dans ce blog, qui est en quelque sorte le reflet de celui d’Irène (dans celui-ci, on fête à Berlin la reddition française, dans l’autre, de Paris au petit village de Bussy, on est assommé par la décision prise en haut lieu), la force de l’écriture tient dans sa simultanéité avec l’événement. Par la force des choses, Irène Némirovski ignore ce qu’il adviendra au moment où elle écrit. De même, Hans Fallada, observant la contagion nazie dans son pays, ne connaît pas au moment où il rédige, l’aboutissement de la période noire qu’il subit. Son livre paraîtra en 1947, l’année de sa mort.

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Ces deux ouvrages sont liés. Ils révèlent toute l’importance de “l’écriture à vif”. Cette écriture qui s’enracine dans l’observation du quotidien, au-delà de la recherche formelle, pour donner à voir et à comprendre ce qu’on appelle l’histoire, nos histoires et qui façonnent l’autre, celle avec un H et qui n’est nullement l’apanage des seuls historiens.

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Image empruntée ici


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LES COMMENTAIRES (1)

Par deashelle
posté le 12 juillet à 21:51
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Symphonie inachevée, la cathédrale a une nef et un chœur, ce sera tout. Mais que d’échos résonnent, que de voix murmurant la triste condition humaine, si fragile, dans ses vanités, sa mesquinerie, ses lâchetés, si dure dans son égoïsme et ses violences. En contrepoint, il y a la compassion, belle comme des fleurs de chemin, un été au zénith de sa gloire, des parfums envoûtants, de l’amour parfois…

Cette fresque du chacun pour soi et de la violence tapie en chacun de nous n’épargne aucun membre de la société, du banquier à l’auteur à succès, au collectionneur, aux pauvres, aux ouvriers, aux fermiers et commerçants hypocrites. Avarice, cupidité, les péchés capitaux font rage. Le meurtre est là : orchestré par une bande d’orphelins, le bouc émissaire est un prêtre jeune, beau, idéaliste et amoureux de la raison autant que de la grâce. Introduction musicale: avec l’assassinat de deux beaux lézards bleus et gris mis à mort pour rien et à la vitesse fulgurante de jets de pierre. Incompréhension.

Un magnifique chat pitre est consacré au chat Albert, et à ses jouissances perverses… . Cela rime avec... . Ni vraiment complaisante ni hargneuse, l’écriture classique est magnifique, au dessus de la mêlée, aristocratique, elle a la précision d’un entomologiste, le ravissement de planches botaniques, et la beauté d’esquisses musicales au parler fleuri. Certaines phrases sont de purs alexandrins. Toute une richesse langagière… un essai de confondre le mal absolu et révéler l’humanité ? Celle qui aussi est en chacun de nous. Mais le livre est inachevé, comme la symphonie, et le troisième volet est indicible. Ainsi l‘a voulu le Destin.

Néanmoins, la deuxième partie porte un drôle de titre, Dolce… Dolce vita ? Il est vrai que la France ‘libre’ jouit d’un climat fort doux…et certains mangent encore des desserts. Mais les conditions de vie, la faim, les menaces perpétuelles de mort, les carnages, les rafles, tout cela passé sous silence ? Par peur du bolchevisme ? C’est trop pour moi. Quelle est cette rage de présenter l’envahisseur de façon si positive ? Et j’ose poser la question: L'auteur se cache-t-elle derrière une écriture collaboratrice pour éviter le pire ? La question est ouverte. Comment peut-elle feindre d'ignorer ce qui se passe depuis 1933?

"Les loups sont entré dans Paris, soit par Issy, soit par Ivry..." comme le chante Serge Reggiani des années plus tard car il se souvient. La ville d'Issy, justement, où a séjourné Irène Némirowsky. Manichéisme à rebours: regarder autour d'elle et dire que tous les français étaient pétainistes… et de toutes façons les seuls 'bons' me semble une profonde injure à tous ceux qui dans l’ombre ou dans la folie patriotique ont offert leur vie pour la liberté. Cela ne concorde absolument pas avec les récits de ma famille. Je frissonne à chaque fois que quelqu’un me dit : ils ont occupé la maison, mais ils étaient si corrects ! La guerre n’est pas correcte. L’agression et l’invasion sont effroyables, et le spectre du fascisme autant de la part des allemands nazis que des collaborateurs français est le mal personnifié, négation de la vie qu’il faut sans cesse débusquer…

Bien sûr même Irène Némirowsky n’a pas échappé aux fours crématoires… et c'est une tragédie atroce, mais le ton de la deuxième partie de son projet de livre m’étonne quand même et me laisse perplexe… Surtout quand on sait qu’elle était juive convertie au catholicisme par convenance à la veille de la guerre et collaboratrice à des journaux d’extrême droite pour assurer son ascension littéraire!

Ce livre aurait été honni à la sortie de la guerre, s’il avait été publié, mais peut-être qu’à force, on oublie…

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