Pour son nouveau film, Michael Winterbottom s'attaque au film noir, en adaptant une nouvelle de l'écrivain Jim Thompson (déjà adaptée en 1976 avec Stacy Keach dans le rôle titre). En se réappropriant les clichés du genre, il signe une terrifiante descente dans l'esprit d'un dangereux sociopathe. Un voyage forcement éprouvant...
The Killer inside me démarre comme un film noir classique, avec tous les clichés imposés par le genre : narration en voix-off du héros (le timbre de voix si particulier de Casey Affleck fait des merveilles), image léchée et musique jazzy, femmes fatales, tout est là pour installer le spectateur dans le confort d'un terrain connu. Mais très vite, Winterbottom casse cette belle mécanique en plaçant de petits grains de sable dérangeants, comme lors de la première rencontre entre Lou et la prostituée Joyce Lakeland (Jessica Alba qui commence à prendre d'intéressants risques dans sa carrière), où Lou finit par la violer et la battre à coups de ceinture. Et puis la vérité finit par éclater : Lou n'est pas le jeune homme calme et peut-être un peu simplet que tout le monde imagine. Non, Lou est un sociopathe calculateur ne ressentant quasiment aucune émotion, un véritable serial killer en puissance. Et soudain le film devient extrêmement dérangeant, surtout lorsque Lou met son plan à exécution pour venger la mort de son demi-frère, dans une scène d'une violence rare, sèche et crue, qui traumatisera certainement de nombreux spectateurs. Une scène terrible, mais qui ne tombe néanmoins pas dans le voyeurisme, et permet à Winterbottom d'installer une ambiance malsaine qui ne quittera plus le spectateur jusqu'à la fin. Certains critiques américains ont cru bon de crier à la misogynie et à l'ultra violence devant le film, confondant une fois de plus le message du film et la psychologie du personnage principal. Donc une bonne fois pour toutes, ce n'est pas parce que le personnage interprété par Casey Affleck est un misogyne adorant brutaliser les femmes que le réalisateur a le même penchant. D'ailleurs, malgré le fait que tout soit vu par les yeux de Lou, il est clair que Winterbottom ne prend jamais son parti. Et s'il donne quelques clés sur le passé du personnage au travers de courts flashbacks disséminés tout le long du film, il a cependant l'intelligence de ne jamais tenter de donner d'explication au comportement du personnage, se contentant d'observer celui-ci dans sa folie (auto) destructrice.
Il faut aussi saluer le casting quatre étoiles du film, totalement en adéquation avec les différents personnages. Casey Affleck, qui semble se spécialiser dans les rôles borderlines, est tout simplement monstrueux dans le rôle de Lou, son accent trainant et sa voix particulière faisant des merveilles. Kate Hudson et Jessica Alba étonnent quant à elles dans des rôles bien loin de leur registre habituel. On ne s'attendait en effet pas à voir les deux jeunes femmes dans un film où elles entretiennent une relation SM avec le même homme. Mais les deux sont totalement convaincantes et prouvent ici qu'elles sont capables de faire autre chose que jouer les " girl next door " dans des comédies romantiques oubliables. Les seconds rôles sont tout aussi impeccables, notamment Bill Pullman, Ned Beatty et Elias Koteas.
Avec The Killer inside me, Winterbottom signe un grand film noir, dérangeant et malsain, qui laisse son empreinte sur le spectateur longtemps après la fin de la projection.
Note : 8/10USA, 2010
Réalisation : Michael Winterbottom
Scénario : John Curran
Avec : Casey Affleck, Jessica Alba, Kate Hudson, Bill Pullman, Ned Beaty, Elias Koteas