Si les faits sont avérés, cela commencera à faire beaucoup pour un seul membre du gouvernement. Après les révélations de Médiapart, en mars dernier, sur le coût de l’aller-retour d’Alain Joyandet en Martinique en Falcon privé (116 500 euros pour se rendre à la conférence pour venir en aide à Haïti), c’est au tour du Canard enchaîné d’épingler de nouveau le secrétaire d’État à la Coopération, cette fois pour une affaire de permis de construire illégal.
Selon Le Canard enchaîné du 16 juin 2010, entre "fausses déclarations et dépassement de surface dans un secteur protégé
, le secrétaire d’Etat à la Coopération ne se serait rien refusé pour agrandir sa villa Grimaud.
En 2008, Alain Joyandet se décide à acheter un vieux mas provençal à Grimaud, près de Saint-Tropez, dans une propriété de 12 000 m2. Mais comme ce domaine n’est pas au goût de son propriétaire, il prévoit un certain nombre de travaux non seulement de rénovation mais surtout d’agrandissement. Il envisage ainsi de doubler la surface de son domaine grâce à une zone boisée. Le problème, c’est que cet espace qu’il convoite tant est interdit de construction.
Toutefois, ce genre d’interdiction ne semble guère dérangé Joyandet qui se rapproche alors d’un architecte local réputé, et du maire UMP de la commune, tous deux ayant, selon Le Canard, des affinités politiques et culturelles communes. Le secrétaire d’État leur soumet son projet d’agrandissement, dans l’espoir de trouver, avec eux, une solution.
C’est ainsi, que Joyandet a déposé une demande de permis de construire, que le Canard s’est procuré. Il est ainsi notifié que le propriétaire souhaite agrandir son mas d’un étage, en passant d’une surface de 185 m2 à une surface de 231 m2 sur deux étages. Le Canard s’est rendu sur place et a pu constater que la maison était de plain pied et disposait d’une surface moindre à celle des déclarations puisqu’elle ne fait que 105m2. Le maire sait parfaitement que Joyandet a volontairement gonflé la surface de son domaine mais consent à cet agrandissement, et ce, malgré les critiques des agents de l’urbanisme. Ces fausses déclarations s’avèrent obligatoires puisque le mas se situe dans une zone d’espaces naturels n’autorisant pas d’agrandissement au-delà de 50% de la surface habitable. En donnant les véritables chiffres, Joyandet aurait eu un mas d’une surface de 157 m2 maximum, bien en deçà de la surface qu’il a déclarée posséder. Pire encore, le maire Benedetto a fait passer une loi, en décembre 2008, durcissant le plan d’urbanisme : désormais, il est interdit de construire une propriété de plus de 180 m2. Que le maire ait passé outre les remarques critiques de ses agents locaux, on peut le concevoir difficilement mais Le Canard montre surtout que le projet a passé sans difficulté le contrôle de légalité à la préfecture.
Cette affaire fait immédiatement scandale. Aussi, la veille de la parution du Canard du 16 juin, Joyandet a lancé aussitôt contre-attaqyé. Sur son blog, le secrétaire d’État a mis en ligne le communiqué de presse de son avocat. On peut y lire des informations contraires à ce qui est indiqué dans le dossier initial : "M. JOYANDET a acquis en 2005 une maison d’habitation d’une centaine de mètres carrés habitables à GRIMAUD dans le Var. En 2008, l’extension de cette maison a été envisagée. M . JOYANDET s’est alors rapproché d’un architecte local, lequel a conçu un projet portant sur une extension de surface hors œuvre nette de 46 m² ainsi que sur la création d’une terrasse couverte, non sans avoir au préalable consulté les services compétents de la Ville. (…) La procédure d’instruction du permis de construire délivré en avril 2009 a été parfaitement régulière et légale
.
Le lendemain, Joyandet est intervenu au JT de France 3 Franche-Comté pour tenter de se défendre et expliquer comment il s’est comporté en « citoyen ordinaire ». Il dément les informations du Canard mais assure qu’il ne portera pas plainte en diffamation car il n’est pas dans cet état d’esprit
. Pourquoi ? Est-ce une manière de reconnaître implicitement que les informations du Canard ne sont pas totalement fausses ?
Une chose est quasi-certaine. Vu l’apparente complexité de la bataille de chiffres entre le secrétaire d’Etat et Le Canard (les arguments à coups de mètres carrés et de permis de construire datant des années 1970 sont inaudibles), l’affaire est mort-née médiatiquement.