Jésus est le Christ, le Seigneur, le Sauveur envoyé par Dieu, le Fils de Dieu fait homme. C’est ce que S. Pierre affirme dans l’Evangile de ce jour, et Jésus ne le contredit pas. Pourtant cette conviction n’est pas partagée par tout le monde. Les uns disent que Jésus était un grand philosophe, un bon maître ou … un illuminé. L’identité de notre Seigneur est une question qui a été débattue en permanence depuis vingt siècles. Et même pour nous qui prétendons être de bons catholiques, c’est une question importante.
Mais ce qui est important dans le passage de l’évangile de ce jour n’est pas seulement le fait que cette question est posée, mais comment elle est présentée. En fait Jésus pose non pas une, mais deux questions :
« Pour la foule, qui suis-je ? »
« Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? »
Il ne suffit pas de discuter de son identité d’une manière abstraite, académique. Les grands de ce monde se contentent d’une adhésion superficielle ; pourvu que les gens votent pour eux, ils n’essaieront pas d’empiéter dans notre espace privé. Ce n’est pas ainsi que fonctionne le Royaume du Christ. Un chrétien ne peut pas se contenter de l’être de manière nominale, culturelle, comme on dit parfois. Il ne suffit pas de savoir ce que les autres disent de Jésus. Nous devons le rencontrer et lui répondre de manière personnelle. Nous devons proclamer sa seigneurie, non pas seulement du bout des lèvres, mais par toute notre vie. Nous devons dire non seulement que Jésus est le Seigneur, mais qu’il est notre Seigneur, mon Seigneur, et que nous sommes prêts à le suivre partout où il nous conduit.
C’est cette adhésion personnelle à Jésus Christ, le fait d'assumer la responsabilité de notre foi, qui ouvre pour nous la porte de la maturité spirituelle et de la sagesse, de la joie et de la paix intérieure qui accompagnent cette maturité.
Un des exemples les plus marquants de quelqu’un qui a compris et vécu cette relation de manière personnelle, et pas seulement générale, nous est donné par la vie de Ste Thérèse de Lisieux. Elle vécut à la fin du 19e siècle dans le nord-ouest de la France, en Normandie. Elle était issue d’une famille de la bourgeoisie à la foi solide. Ses quatre sœurs sont toutes devenues religieuses, comme elle, et ses parents ont été béatifiés. Thérèse est morte quand elle avait à peine vingt-cinq ans, et fut déjà canonisée vingt-sept ans plus tard. En 1997 le Pape Jean Paul II l’a déclarée Docteur de l’Eglise universelle, la plus haute distinction accordée par l’Eglise.
Thérèse découvre sa vocation très tôt. C’est avec beaucoup de foi, de détermination et de créativité qu’elle obtient la dispense de l’évêque du lieu pour entrer au couvent des Carmélites alors qu’elle n’est âgée que de quinze ans, et elle fait ses vœux à l’âge de dix-sept ans. A cette période, une de ses amies qui n’est pas religieuse, va se marier. Thérèse reçoit un faire-part de mariage. Ce faire-part est très beau, bien présenté, calligraphié et formulé de manière très distinguée. Thérèse, bien sûr, ne peut pas se rendre au mariage. Les Carmélites, une fois entrées au couvent, ne peuvent pas sortir. Mais ce faire-part va lui donner une idée. Comme le jour de ses vœux approche, elle va composer elle aussi un faire-part de mariage dans lequel elle présente Jésus, le "Roi des Rois et le Seigneur des seigneurs", comme l’époux, et elle-même, Thérèse Martin, comme l’épouse. La date est celle du 8 septembre 1890, la date de ses vœux, et la date de la réception est celle de "demain, le Jour d’Eternité"
Pour Thérèse, Jésus est beaucoup plus qu’une idée ou un idéal. Il est une personne vivante, qui s’intéresse à sa vie, et son amitié pour lui est réelle.
Ceux qui critiquent l’Eglise catholique disent parfois que nos traditions, nos rituels, nos sacrements empêchent cette dimension personnelle de notre relation avec Dieu. Ils disent que nous devrions "aller directement à Dieu", au lieu de passer par des intermédiaires : les prêtres, la Messe, la confession, les prières personnelles. Mais c’est un faux argument, pour deux raisons.
D’abord parce que l’Eglise nous encourage, en fait, à "aller directement à Dieu", tout le temps, aussi souvent que possible ! Voici comment Benoît XVI disait cela dans un discours :
« Ce qui importe le plus, c’est que vous développiez votre relation personnelle avec Dieu. »
L’Eglise n’est pas pour nous un obstacle à une relation personnelle avec notre Seigneur et notre Sauveur, bien au contraire !
La deuxième raison pour laquelle c’est au faux argument est en relation avec la raison d’être des sacrements, des rituels et des traditions. Correctement compris et vécus sincèrement, ils nous aident en fait à rencontrer Dieu plus personnellement. C’est pour cela que le Saint Esprit les a inventés, pour nous donner plus la possibilité de faire l’expérience de la proximité de Dieu d’une manière personnelle, tangible. Par exemple, quand nous confessons nos péchés à un prêtre dans le sacrement de la réconciliation, c’est une rencontre personnelle, une rencontre pleinement humaine dans laquelle Dieu nous donne l’assurance de son pardon de la manière la plus concrète qui soit. Et quand nous recevons la Sainte Communion, une fois de plus, Jésus se fait tangible, plus que nous pourrions le faire par nous-mêmes.
L’Eglise est le don de Dieu pour nous, munie de tous les moyens pour que nous permettre de le voir, de l’entendre, et de le toucher.
En poursuivant cette Messe, rendons grâce à Dieu pour s’intéresser si personnellement à chacun de nous, et promettons-lui de ne jamais nous y habituer, de toujours nous émerveiller de cette relation, qui est la plus importante de toute notre vie, celle que nous pouvons avoir avec lui, dans l’Eglise.