C'était en 1981, donc. J'avais 16 ans. Je suis allé en Afrique du Sud avec un copain, pendant les vacances de l'hiver austral. On avait envie de voir. A l'époque, à la Réunion, dans certains milieux, il était de bon ton d'envoyer ses enfants en Afrique du Sud, pour les deux dernières années de lycée. Rigueur. Education à l'anglaise. Coups de bambou sur les fesses en cas de manquement à la discipline. Avec comme prétexte l'apprentissage de la langue. Des lycées réservés aux blancs qui accueillaient sans difficulté les jeunes Réunionnais. Blancs, évidemment. « A la Réunion, le système scolaire est pourri. Je veux que mon fils ait une chance de réussir. En Afrique du Sud, il sera dans les meilleures conditions pour travailler. Il va apprendre la discipline ». Ces propos, je les ai entendus. Quelques mois avant de partir. Dans mon lycée, trois jeunes hommes de bonne famille avaient été envoyés là-bas. Deux contre leur gré. Le troisième, plutôt content : là-bas, il pourrait surfer, faire la fête, s'éclater... L'Apartheid ? « Bah, c'est comme ça que ça marche là-bas ». Nous avec Pascal, on y allait juste pour voir. Notre premier voyage à l'étranger, sans les parents. Réunion-Maurice-Joburg. 15 jours à l'aventure, pour deux adolescents réunionnais, dans un pays au ban des nations. Une découverte. Huguette Bello et l'UFR n'allaient pas tarder à faire des manifs devant le siège du consulat de l'Afrique du Sud, rue de la Compagnie, pour protester contre le régime de l'Apartheid. Mais on ne le savait pas encore. A 16 ans, il y a des tas de choses qu'on ne sait pas.
François GILLET
(A suivre...)