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Mort de Bigeard

Publié le 19 juin 2010 par Egea

Vous le savez tous, Bigeard est décédé. Les portraits fleurissent dans les journaux, et racontent l'épopée fabuleuse du petit gars de Toul.

Mort de Bigeard

1/ J'aimerais tout d'abord présenter mes condoléances à Gaby : car à côté du mythe, il y avait son épouse, petit bout de femme incroyable qui l'a suivi partout, jusqu'au milieu de la jungle indochinoise où il commandait un poste : la sentinelle indigène vint un jour appeler le capitaine, qui marchait pied-nu, comme ses hommes, et rendre compte que "Madame Bigeard est à l'entrée et voudrait le voir" : elle avait le tempérament de son gars, elle aussi. Et je peux affirmer que sa tristesse est aujourd'hui profonde. Courage, Gaby.

2/ Bigeard, un soldat et un chef : c'est ce qui restera, incontestablement : cette fougue et ce goût de la guerre. Bigeard exprimait une chose qui n'est peut-être pas audible aujourd'hui : la guerre a longtemps été considérée comme un sport, et Bigeard en était un des derniers praticiens, un peu comme Churchill d'ailleurs. Faut-il rappeler qu'il a commencé dans les corps francs, cette matrice de l'esprit commando, inventés lors de la première guerre mondiale? Revoyez le splendide film de Tavernier, Capitaine Conan : vous comprendrez l'ivresse que peut donner la guerre.

3/ Grande gueule, aussi. Bigeard, c'était du "faire savoir". Un crâneur, dirait-on également, mais sympathique, car il réussissait en même temps à être tourné vers l'autre. Bigeard parlait de Bigeard, mais avec une attention à autrui qui rendait ce cabotinage sympathique. Attention toutefois à ne pas céder devant l'illusion de l'histoire et de l'emphase.

4/ Bigeard et la politique. Il s'en méfiait, je peux en témoigner. En ce sens là, il n'était pas clausewitzien, comme De Gaulle par exemple (sa mort le 18 juin provoque en ce moment des comparaisons tirées par les cheveux).Mais une vraie fidélité à Giscard, incontestable, et le suivi des affaires du monde. J'ai eu la chance de le fréquenter assidûment ces dernières années. A chaque entretien, il évoquait la ou les nouvelles qui sortaient du Figaro, et assurait des pronostics politiques. Mais il a toujours pris garde à ne pas se faire récupérer.

5/ Et puis le vieil homme, finalement pas si connu. Il était dans l'annuaire et recevait un courrier de ministre, et répondait à tous les appels téléphoniques d'inconnus, avec une bonne grâce fort plaisante. C'était un vieillard gentil et souriant, que j'aimais interroger sur les interstices de sa vie : le service en Alsace du nord, le cours de sous-officier, le parachutage dans l'Ariège, Bangui ou Madagascar, la commission de la défense. Il adorait se faire prendre en photo et n'hésitait pas à prendre la pose du boxeur, comme les caïds de sa jeunesse : en garde, les poings levés, comme prêt à la bagarre... Ou revêtant sa grande tenue parce que le CEMAT venait le visiter, et qu'on accueille convenablement le chef de l'armée de terre, qui sait ce que c'est que l'uniforme.

Finalement, la camarde a remporté le dernier round. Une chapelle ardente est dressée au 516 RT à Toul. Les obsèques religieuses auront lieu lundi à 15h00. Une cérémonie militaire aura lieu mardi à 11h00 aux Invalides.

Adieu, mon général.

O. Kempf


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