» Tetro » de Francis Ford Coppola
Sortie cinéma , 23 décembre 2009
En dvd le : 23 juin 2010
Le film
4.5 out of 5 stars
Les bonus
4 out of 5 stars
Un chef d’œuvre ? Je ne sais pas trop ce que c’est . Je pense simplement que le temps doit imprimer sa patine. Alors, un peu plus tard, « Tetro » sera un chef d’œuvre . Un film unique qui vous accompagne , bien après l’heure du générique de fin , quand les spectateurs quittent leur fauteuil en silence, un sourire discret pour un regard et puis bonsoir .
Francis Ford Coppola à qui l’on doit de belles pages , depuis les années 70 en tant que réalisateur, scénariste ou producteur , ou les trois à la fois , n’a jamais atteint un tel sommet .
Coppola dirigeant Alden Ehrenreich et Vincent Gallot
Une écriture fluide , originale , une mise en scène qui n’apparaît pas dans la performance, mais dans l’évidence d’une histoire racontée avec un brio scénographique , ( voir les scènes d’opéra et le bel hommage à Michael Powellet à son film « Les chaussons rouges ») inégalable au point parfois de changer de décor devant nos yeux, un peu comme au théâtre, sans que cela ne se remarque .
Je pense au moment où Miranda (Maribel Verdu ) , une fois ses exercices de danse terminés poursuit sa conversation avec son jeune beau-frère , tout en rangeant la table, le miroir …C’est d’une beauté naturelle, évidente, et pourtant .. .
Le garçon en question , c’est Bennie (Alden Ehrenreich ) au cœur du récit, égaré dans un imbroglio familial que les retrouvailles avec son frère aîné ne facilitent pas . Angelo a rompu tout lien avec son passé, et son entourage ignore ce qu’il fut . Il s’appelle aujourd’hui Tetro , et vit avec une psychiatre rencontrée dans l’asile où il a été soigné. Pourquoi, comment ?
Vincent Gallo dans le rôle-titre porte merveilleusement tout le poids des silences douloureux qui lui interdisent de vivre. Le regard sombre , perdu dans la révolte qui gronde . Un père rejeté ( fabuleux Klaus Maria Brandauer ), une histoire refoulée , une vie brisée comme la marionnette de « Coppélia » que le gamin d’autrefois découvrait avec un enchantement respectueux . Pourquoi, comment ?
Sur cet écheveau, Coppola noue les fils du récit dans un noir et blanc tantôt intriguant, tantôt lumineux , mais qui toujours confine à l’universel . Mihai Malaimare Jr, le directeur de la photo a les honneurs des bonus et c’est justice.En dehors de quelques repères ( téléphone portable … ) il est difficile de situer l’époque . Et l’Argentine nommément située, prend un tout autre visage derrière la caméra , qui se joue des contrastes et des paysages. Pour mieux nous entraîner dans ce voyage vers la Pantagonie, scène ultime du drame pressenti, où les dieux doivent être honorés , ou sacrifiés. Comme dans l’Antique . Quand les masques tombent , dans le théâtre , où l’on joue la pièce écrite par Bennie, ou son frère , qui sait ?
Klaus Maria Brandauer , un père mystérieux, chef d'orchestre et maestro incontesté, jusqu'au jour où...
Car cette fiction ressemble terriblement à leur histoire et le dénouement se joue maintenant ailleurs, dehors, dans le huis-clos de cette famille retrouvée , dans cet autre opéra où s’aiment et vont se perdre un homme et une femme .
C’est la fin du film, et le début aussi . C’est « Coppélia » et « Les contes d’Hoffmann» mêlés dans une mise en scène généreuse pour l’histoire, ses personnages, et ses seconds rôles magnifiques . Pas un comédien n’échappe à la magie de ce cinéma transporté dans un autre monde . Et le spectateur non plus n’échappe pas au bonheur de cette sublime émotion , qui vous fait regarder votre voisin en silence . Le sourire discret, mais complice .
Alden Ehrenreich , Sofía Castiglione , Vincent Gallo
LES SUPPLEMENTS
Mihai Malaimare Jr. directeur de la photo :
Un excellent regard sur cet artiste , qui assure que son rôle est de « servir l’histoire.Ca ne sert à rien d’avoir de belles images si elles sont déconnectées du contexte. Il faut saisir la vision du réalisateur, pour lui donner non pas de belles images, mais des images qui respectent un style précis, et qui apportent quelque chose. » On le suit dans son travail sur le plateau, avec ses repères photos numériques …
La musique née du film
C’est ce qu’explique en détail, Osvaldo Golijov , « par opposition à une musique qui suit le film ». On le voit au cours d’une séance de travail avec un quintette , puis un orchestre symphonique «qui donne du poids aux vingt dernières minutes, oppressantes » .« Le plus angoissant est de créer une entité au carrefour de l’image et du son » dit-il en rappelant que FFC « ressent et comprend la musique, il entend des choses et j’essaie de les entendre aussi ».
Le ballet
Egalement passionnant et raconté en long et en large l’importance du ballet dans « Tetro », en référence au film de Michael Powell, « Les chausson rouges » dont certaines scènes sont similaires à celles de Coppola. « Je suis intrigué par la façon dont l’histoire se reflète dans la trame du ballet de Powell.Si je finance mes films, je veux au moins y mettre ce que j’aime.Il est toujours ardu de représenter un livre ou une musique quand il est question d’un écrivain, d’un artiste.Dans mon cas je n’avais pas de prose digne de la reconnaissance que je souhaitais ». Alors l’idée des scènes dansées apparaît.
Klaus Maria Brandauer
Et le maître
« Comme il est établi que Bennie associe son frère à des films magnifiques comme « Les contes d’Hoffmann » et « Les chaussons rouges » , elles servent selon moi à susciter l’émotion que ressentait Bennie »La chorégraphe Ana-Maria Stekelman , collabore de très près et c’est elle qui assure la mise en scène de l’accident. « J’essaie d’être ouvert à d’autres idées que les miennes, si je peux les utiliser »