Mi documentaire, mi fiction, le dyptique contemplatif de Keiller, influencé par sa formation d’architecte et son goût pour la narration poétique, demeure en permanence aux confins d'un surréalisme et d’un dandysme aux accents d’humour british. La ballade, au cœur de l’Angleterre, de sa capitale, de son milieu rural et de ses bouleversements sociaux, politiques et économiques, est chargée de références littéraires, de Walpole à Conan Doyle, de Rimbaud à Oscar Wilde, de Jane Austen à Nietzche, toute pleine de lieux, de dates, d’écrivains et de mélancolie, traversant tout un imaginaire, du XIXème siècle à l’époque contemporaine, des campagnes aux villes, des paysages ruraux à l’urbanité la plus déprimante. La longue narration en voix-off, envoûte et captive cette marche philosophique et sans but dans l’Angleterre, pays-personnage fantôme de l’œuvre entière, hantant la pellicule de toute son Histoire. Les courts métrages qui accompagnent les deux films, peignent la tristesse latente de l’ensemble, dissertant sur le vide (Valtos de 1989 ou The End de 1986), l’amour perdu et vieillissant (magnifiques apartés musicaux dans The Clouds de 89 et Norwood de 84), les "ponts entre imaginaire et réalité" dixit le narrateur. Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans ces vertigineuses expériences en noir et blanc, remplies de langueur et de grisaille: saisir l’imaginaire collectif et personnel d’une ville, ou d’un pays ; comprendre et se comprendre au sein d’un monde, de codes et d’évolutions sociales. "Comment rendre une humeur par des mots ?" s’interroge Patrick Keiller. La réponse se trouve dans ses films, dans la manière dont il se joue du son, de la lumière, de la nature et des paysages, s’interrogeant sur l’être, philosophant sur les origines et l’érosion des choses, partageant sensations et couleurs, réflexions et atmosphères, au travers d’un exercice –qui, s’il peut paraître au premier abord rebutant- s’impose ensuite en réussite, autant d’un point de vue formel qu’intellectuel.
"Aujourd’hui au réveil, j’ai su que j’avais été dupliqué, que je suis une copie inférieure de moi-même, condamnée à traquer jalousement mon authenticité qui s’est enfuie, horrifiée à ma vue, par le marais, la lande et la mer."London et Robinson dans l'espace
Réal. : Patrick Keiller
Avec la voix de Paul Scofield
Royaume Uni - 2x1h20 - 1993 & 1997
Film distribué en France par E.D Distribution
http://www.eddistribution.com
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