Eddy, Soap, Tom et Bacon ont échafaudé un plan. Grâce au talent d’Eddy au poker, ils pourraient sacrément s’enrichir en une seule soirée. Ce qu’ils n’ont pas prévu, c’est que l’organisateur n’a pas l’intention de jouer franc jeu. Résultat : les quatre amis y perdent leurs plumes et se retrouvent même avec une ardoise d’un demi-million de livres chez le redoutable gangster. Ils disposent d’une semaine pour apurer leur dette. Une semaine pour élaborer un nouveau plan.
« Polar » est généralement synonyme de violence, d’ambiance dépressive et des divers côtés sombres de la rue, de la vie. C’est ce que vous trouverez dans ce film mais, et c’est sa particularité, ici tournés sous leur aspect comique. Car si on peut rire de tout, dans ce cas précis c’est avec tout le monde – on ne s’en plaindra pas. À partir d’une situation relativement convenue où un groupe de jeunes tentent de se faire un plus vieux et plus malin avec lequel il vaut mieux ne pas trop jouer au plus malin, Guy Ritchie va en fait nous livrer un cocktail qui atteint peu à peu sa masse critique pour exploser en un feu d’artifice cynique et comique à la fois, où les clichés sont assumés et dynamités en même temps et dont la conclusion réelle elle-même restera à la discrétion du spectateur.
Car le point fort de ce film est son scénario en béton armé qui raconte en à peine un peu plus d’une heure et demi ce que des auteurs moins talentueux auraient écrit sur une longueur double, ou à peu près. Ici, le maître-mot est l’ellipse, ce procédé qui coupe les étapes intermédiaires inutiles pour aller directement à l’essentiel – sans contemplatif ou attardement intempestifs. Avec une réalisation qui rappelle beaucoup Trainspotting – l’aspect « humour glauque » non seulement conservé mais même revendiqué – Arnaques… se place tout à fait dans la filmographie anglaise de la fin du siècle dernier : le rock, le suspense, la faune de la rue, le rire et la violence s’y mêlent dans un savant dosage qui ne laisse pas indifférent et où la moindre situation connaît un développement toujours inattendu.
Avec autant de lignes narratives distinctes devant se rejoindre, il y avait pourtant de quoi se planter. Mais pour son premier long-métrage, Ritchie réalise un coup de maître. Son écriture magistrale condense chacun de ces fils sans aucun temps mort ni répit : à peine une situation est-elle résolue qu’elle débouche – automatiquement, avec une logique sans faille et si peu d’exagération – sur un autre problème, dont l’ampleur est multipliée par la somme des péripéties précédentes – déjà bien corsées en elles-mêmes. Mais n’y cherchez aucune morale pour autant car ce film est de son temps, celui où on ne cherche plus à faire passer de message ou d’enseignement : avec à peine une bonne douzaine d’années d’âge, Arnaques… reste jeune, très jeune même.
Parfait choix pour une soirée entre amis – et amies – ce film ravira tous ceux d’entre vous qui sont autour de la trentaine, qu’ils aiment ou non consommer le même type de produits que ceux des très nombreux et tout autant variés personnages de l’histoire. Et à eux tous, ça fait un menu pour le moins bien garni…
Arnaques, Crimes & Botanique (Lock, Stock & Two Smoking Barrels), Guy Ritchie
Universal Pictures Video, 2002
100 minutes, env. 8 €