Mettez quatre musiciens de studio qui s’ennuient comme des rats morts dans une bouteille de schnapps. Secouez. Branchez. Enregistrez.
Ce doit être à peu près l’histoire de Jon Wayne, groupe mythique de punk à vache originaire de la Cité des Anges dont Third Man Records a réédité il y a quelques mois Texas Funeral, le non moins légendaire premier album de 1985 épuisé depuis moult. Je ne pourrai pas vous dire grand chose de son histoire, la page Wikipédia de la formation se résumant à deux lignes laconiques. Et puis je ne suis pas une encyclopédie et je n’étais même pas née à l’époque. Allez courir l’Internet mondial ou les bibliothèques si le cœur vous en dit ; personnellement, je me fous de savoir qui sont vraiment Jon Wayne, Jimbo, Earnest Beauvine, Billy Bob et Timmy Turlock. Je préfère les imaginer en train d’enregistrer Apple Schnapps, titubant sous le coup de l’alcool.
- Est-ce qu’il y a un ou deux micros, Jimbo ?
- On n’a plus rien à boire, bordel, qu’est-ce qu’on en a à foutre de ton micro !
- C’est pas l’ingénieur du son qui vient de se barrer en courant là ?
- Merde.
Oui, Texas Funeral est bien un album de branleurs de saloon enregistré par des piliers de bar lassés de jouer pour les autres de la musique qu’ils n’aiment même pas. C’est un disque entier, désinvolte, à peine mélodique, presque jamais chanté. Une récréation poussiéreuse. Du foutage de gueule. Un truc génial. Une bouse de vache. Une pépite d’or.
Jon Wayne est plus sobre que Scout Niblett et John Lee Hooker réunis. Quoique je ne suis pas certaine que “sobre” soit le terme le plus adapté à ces dégénérés. Pourtant, malgré les relents de whisky bon marché, leurs quinze titres sont dépouillés de tout artifice, de toute odeur désagréable, de tout effluve nauséabond. C’est qu’ils tiennent bien l’alcool, les bougres. Assez pour délivrer un cowpunk découpé au lasso dans ce que la country a fait de meilleur, en tout cas. Jon Wayne chante comme un Johnny Cash grivois, et le résultat ressemble à une version paillarde du Man in Black.
Texas Studio, le dernier titre, conclut avec classe - si l’on peut dire, ehem - cette élucubration caverneuse : complètement imbibé - et je ne doute pas du fait qu’il l’était réellement à ce moment-là -, Jon Wayne tente une conversation hallucinée avec ses camarades alors qu’il n’arrive même plus à articuler. Grâce aux effets spéciaux dernière génération, l’auditeur est plongé au fond son esprit comateux, à deux doigts du sommeil, ou de la mort.
Mais certaines auditrices ne voient pas encore assez flou pour ignorer cette sublime réédition limitée en vinyle rose et noir, vendue uniquement au Third Man Pop-Up Store à Austin entre le 17 et le 20 mars 2010 et que toutes les vraies groupies se devraient de traquer sur ebay. Mais moi d’abord.
Audio
Jon Wayne - Texas Funeral
Tracklist
Jon Wayne - Texas Funeral (Hybrid Records, 1985 / Third Man Records, 2010)
1. But I’ve Got Texas
2. Texas Funeral
3. Mr. Egyptian
4. Texas Cyclone
5. Texas Jailcell
6. Workin’ Man’s Blues
7. Shades
8. Texas Wine
9. Is That Justice?
10. Texas Polka
11. You And The Kitten
12. Apple Schnapps
13. Truckin’
14. One Hundred And Fifty-One Owl Caricatures
15. Texas Studio