Fricassée de poulet à l'ancienne mode

Par Didierguillion

J'aime bien les bonnes vieilles recettes des familles, appliquées à la lettre.
J'éprouve une grande satisfaction à penser aux centaines de mains qui ont du reproduire les mêmes gestes et ce aux travers des générations. C'est un plaisir de se dire qu'il y quelques dizaines, voire quelques centaines d'années, quelqu'un a humé le même parfum de plat qui mijote, dégusté avec un claquement de langue satisfait le résultat final.
Par les tableaux, notre histoire visuelle se transmet. Par les statues et les bas reliefs, notre émotion tactile. Depuis peu, on se lègue des enregistrements sonores. Mais pour l'odorat et le goût, rien de mieux que les recettes de cuisine...
Heureux possesseur d'une édition originale du "Livre de Cuisine de Mme Saint Ange" je suis tombé sur la recette de la "Fricassée de poulet à l'ancienne mode". Le livre est de 1936 et c'était déjà "ancien". C'est dire.
Une fricassée c'est une "préparation de poulet dans une sauce blanche."
Je m'y suis lancé, et c'est bien, vraiment bien, superbement bien, tout le monde c'est régalé. Bon, d'accord, c'est quand même un peu de boulot et beaucoup d'attention. Mais le résultat en vaut la peine.
De plus, cette recette m'a permis de découvrir de nouvelles techniques : cuisson des champignons frais, des oignons grelots, confection d'une sauce blanche liée à l'oeuf, dépouillement de la sauce...
Déjà, par rapport à ce que l'on peut lire sur l'Internet, le poulet n'est ni raidit, ni singé (saupoudré de farine), la cuisson démarre complètement à cru.
Le poulet reste blanc, la sauce idem.
Comme d'habitude les termes de Mme St Ange sont en italique.
Pour 4-5 personnes il faut :
Pour la cuisson :
Un bon poulet de 1,4kg
1 litre d'eau
un oignon moyen piqué d'un clou de girofle
une carotte
un bouquet garni (tiges de persil, feuille de laurier, branche de romarin ou de thym)
10 g de sel
Pour la sauce :
50 g de beurre
50 g de farine
750 ml du bouillon de cuisson
3 jaunes d'oeufs
3 grosses cuillères de crème fraîche épaisse
Pour la garniture :
250 g de champignons de Paris frais
1/4 de jus de citron
15 petits oignons
50 g de beurre
sel
un petit verre d'eau
A noter que bien que séparés les trois éléments vont s'interconnecter. Les parures des champignons vont mijoter avec le poulet, le bouillon de cuisson du poulet va servir à la sauce blanche ainsi qu'une partie de l'eau de cuisson des champignons.
On y va.
Demandez à votre gentil volailler de découper le poulet. Dans un faitout, placer la carotte en rondelle, l'oignon piqué d'un clou de girofle, le sel, le bouquet garni.
Disposer les morceaux de poulet, et mouiller avec un litre d'eau bouillante.
Cuisson une heure, feu doux.
"Faire reprendre l'ébullition, qui ne doit pas se produire trop vite, sur feu très modéré. [...] L'ébullition étant prise, couvrez la casserole en laissant une ouverture pour la vapeur. Retirez sur feu très doux. Laisser cuire une petite heure au plus, à petit mijotement régulier"
Pendant ce temps on prépare les champignons.
La partie sableuse est éliminée. On coupe les queues.
On les lave soigneusement et rapidement à l'eau claire.
Les champignons sont pelés. Les épluchures (peaux et pieds) rejoignent le poulet en train de mijoter.
(Je n'ai pas réussi à tourner les champignons comme le préconise Mme Saint Ange, je les ait pelés "à la ménagère". Faut que je m'entraîne avec un couteau adapté.)
A noter, que même gros, les champignons sont cuits entiers, ils seront découpés par la suite.
Arroser aussitôt les champignons avec le citron, les placer dans une casserole avec 30 g de beurre, une pincée de sel et 100 g d'eau.
Cuire 4 à 5 mn à feu vif en les sautant de temps en temps. Couvrir et réserver.
" Ainsi préparés les champignons peuvent attendre au lendemain."
Maintenant les petits oignons rejoignent, dans une casserole, 20 g de beurre et 3 cuillères à soupe d'eau.
On les cuit à couvert pendant 20 mn, à feu très doux et en remuant de temps en temps.
" Cela, jusqu'à ce qu'ils soient bien confits, tout en restant absolument intacts dans leur forme, blanc, brillants et comme glacés par un léger vernis."
Le poulet est maintenant cuit, on retire les morceaux et on les garde au chaud, couvert, dans le four à 80°C.
On réserve le bouillon.
Il est temps de préparer la sauce à base de roux blanc.
" On appelle roux de la farine tout doucement cuite dans du beurre jusqu'à ce qu'elle ait ainsi plus ou moins coloré"
50 g de beurre sont mis à fondre dans une casserole à feu très doux.
On ajoute 50 g de farine d'un seul coup.
On mélange bien et on laisse cuire, toujours à feu très doux, en remuant de temps en temps jusqu'à très légère coloration.
On prélève 750ml de bouillon de cuisson et on mouille la farine en remuant doucement, à feu moyen.
" Ne pas cesser de remuer avec un petit fouet jusqu'à ébullition bien déclarée"
On ajoute trois cuillères à soupe du fond de cuisson des champignons.
Placer alors à petit feu, de manière à créer un léger " bouillottement". Les impuretés vont remonter à la surface, on les retire avec une cuillère à soupe, c'est le dépouillement.
Pendant ce temps, on prépare la liaison au jaune d'oeuf.
" Quantité de personnes ignorent qu'une liaison de jaune d'oeuf peut bouillir sans se décomposer."
Jaunes d'oeufs tempérés et crème fraiche sont réunis dans un cul de poule.
On mélange soigneusement et on incorpore l'une après l'autre 4 cuillères à soupe du bouillon chaud " pour échauffer progressivement les jaunes". Puis on ajoute l'ensemble du roux, petit à petit.
On replace sur le feu et on tourne doucement
jusqu'à ce que la sauce " ait recommencé de bouillir franchement".
Voilà, il ne reste plus qu'à dresser le poulet sur un plat, napper de la sauce passée au chinois et d'entourer avec les champignons découpés en quartiers et les petits oignons.
Servir avec un riz blanc par exemple.