Parfois, je crois voguer sur le lac de Lamartine. Et puis, je me réveille sur la terre ferme, le corps meurtri et l'âme en peine. Alors, j'ai honte, terriblement honte.
C'était en janvier. J'avais encore voulu être plus optimiste que le poète. Je devais affronter cette neige qui n'en finissait pas de tomber, ne m'offrant que des arbres morts pour toute compagnie. Je me souviens avoir pensé dés les premiers lendemains de cette rencontre muette et enchantée : « Un seul être croise votre chemin et c'est tout l'univers qui se peuple de fées. » Mais c'était Lamartine qui avait raison, Lamartine et son lac sur lequel je ne pourrai jamais voguer...
Ce sentiment envoûtant que j'ai connu, ne fut donc rien d'autre qu'une chimère de plus, une de ces petites joies que le temps finit par effacer. Sans doute faut-il de temps à autres s'arrêter de philosopher et de souffrir. Sans doute faut-il parfois se laisser guider par un ressenti qui vous envahit, vous transporte, vous fait rêver à une autre vie. Sans cela, on se lasserait certainement, on arrêterait peut-être de vouloir faire semblant d'exister.
Tout ce que je sais, c'est que son sourire rayonnait plus fort encore que le plus franc des soleils. Il était parvenu à faire fondre cette prison de glace dans laquelle je m'étais moi-même enfermé. Et quand j'ai capté son regard, j'ai voulu plus que jamais exister.
Mais la dure réalité a repris ses droits : je ne pourrai pas la connaître davantage et je crois même que je ne la reverrai jamais plus...
Je me sens tout drôle après avoir écrit ça, cloué dans mon lit par ce gros rhume qui prolongera l'hiver pour moi. Il fallait néanmoins que je le fasse tôt ou tard, pour garder un souvenir de son sourire. Au moins, cela a le mérite de me rappeler que toute chose en ce monde est éphémère. Ce gros rhume qui me barricade chez moi, ce n'est pas cette horrible maladie que j'ai connue, celle qui enlève tout espoir de mener à nouveau un jour une vie normale. Non, c'est juste un autre passage avant le Salon du livre de Bondues, avant mon séjour littéraire à Limoges.
J'aimerais tant qu'à l'horizon se dessine enfin une présence... Quelqu'un qui me comprend et que je pourrai comprendre en retour. Je n'espère rien d'autre. Le partage est déjà une si belle promesse...