titre joué: "Part IIa" (K.Jarrett)
K.Jarrett (piano)
"The Köln Concert" a été enregistré en 1975 lors d'un concert légendaire donné à l'Opéra de Cologne, en Allemagne. Keith Jarrett est revenu à de nombreuses reprises sur les conditions d'enregistrement de ce concert pour lequel il était dans un très mauvais état d'esprit, en manque de sommeil, et particulièrement irrité contre la qualité du piano qui n'était pas celui qu'il avait demandé. Les octaves extrêmes sonnant mal, il n'était pas question comme de coutume d'expérimenter sur toute l'étendue de l'instrument. Le concert faillit être annulé. Finalement, il accepte quand même de jouer et délivre 4 pièces magistrales qui marqueront l'histoire du jazz et de la musique en général.
Ce jeu improvisé quasi "intouchable" n'est en fait que la résultante de ce qu'il expérimente depuis les années 60 et qui, à l'époque, avait déjà alerté Miles Davis qui ne manquait aucun de ses concerts. Cette improvisation musicale est pour Keith un genre à part entière et un moyen d'expression fidèle et spontané, aboutissement d'années de travail et d'écoute mis au service d'une création de l'instant qui ne permet aucun refuge et aucune négligence. Il suit ce qu'il appelle la «pensée du tremblement». Une note engendre une deuxième note, un accord appelle de nouvelles harmonies, le tout en évolution constante et empli de ses intuitions sans failles. A cet égard, la première partie est un modèle du genre. Dans tout cela, ce qui est peut-être le plus remarquable, c'est l'impression laissée que, bien qu'improvisé, il n'y aurait rien à ajouter ni à retrancher du résultat. Les notes sont placées au bon moment, les effets sont déclenchés à l'instant parfait, les idées s'enchaînent avec un naturel incroyable. Tout coïncide et fonctionne à merveille, comme une évidence. La seconde partie, plus longue, est moins prodigue en effets et joue davantage sur la création de climats, on y retrouve des émanations "bluesy", avant un ample mouvement introspectif, qui peut évoquer la musique répétitive chère à Terry Riley. Pour finir, le rappel reprend un ton mélodique et sentimental appuyé. Jarrett le baptisera plus tard du nom de "Memories of Tomorrow".
Au final, l'ensemble de cette oeuvre est difficilement qualifiable, chacun y trouvant une part subjective de la créativité de l'artiste, en y ressentant par moment des notes pop, jazz, ou bien classiques. Très commenté depuis sa sortie, il aura fait couler beaucoup d'encre et enthousiasmé de nombreux auditeurs aux avis contrastés. Pour ma part, et malgré mes nombreuses heures passées en sa présence, il m'arrive réguliérement de ressentir le besoin de l'écouter encore. Je suis loin d'en avoir fait le tour et j'y découvre régulièrement de nouvelles fragrances dont je ne pourrais plus me séparer, en faisant un ami fidèle, et un compagnon de vie dont l'ombre ne me quittera plus.
Comme d'habitude le lien qui vous permet d'écouter l'album en entier en cliquant ici.