Au milieu de l’allée 5, un personnage mystérieux à la casquette rouge s’affaire à mettre en route un jeu d’équilibre, une des curiosités de son stand. Cet homme aux tempes grisonnantes, c’est Yvan, l’un des plus vieux et des plus connus des marchands des puces de Saint Ouen. Depuis vingt-deux ans, il vend, ici, ses objets, des plus insolites aux plus anciens.
Après des études, une carrière dans l’import export et la publicité, Yvan devient marchand par plaisir. « A part les dynasties de marchands, il n’y a pas de marchands. On le devient en faisant autre chose » explique cet homme peu bavard. Collectionneur dans une autre vie, il brade désormais de l’argenterie, des objets de curiosités, des instruments scientifiques etc… « mais que des objets, pas de meubles, ni de tableaux, simplement par goût pour eux ». Et surtout parce qu’Yvan a eu le permis tardivement, donc « c’était impossible de transporter des gros objets » plaisante-t-il. Et même s’il n’est pas issu d’une famille de marchands, son père collectionneur finira marchand au Caire. Son frère arrête ses études et rejoint leur père au Caire pour y travailler et apprendre le métier. « Il est meilleur que moi parce qu’il a commencé avant » déclare le brocanteur avec ses trente années d’expériences derrière lui. Alors même s’il n’est pas issu d’une dynastie de marchand, Yvan fini par rejoindre le reste de la famille dans cette activité.
L’âme marchande
« On devient marchand le jour où on a tout vendu » d’après son frère. Alors même si l’amour du métier le rattrape à chaque fois, Yvan tente d’appliquer ce conseil. En attendant, sa passion l’entraîne à la recherche d’objet de qualité malgré son éventail de sélection très large. D’autres vendeurs plus spécialisés lui rachètent pour les brader à d’autres encore plus spécialisés pour finir par le vendre à des collectionneurs, qui deviendront peut être marchand à leur tour.
Yvan, le bon vivant
« Collectionner c’est facile, vendre, c’est difficile » explique celui qui a vendu ses collections. Ainsi ses objets ont plusieurs vies comme lui auparavant. « Certaines personnes disent que c’est un métier facile, mais ce n’est pas vrai. Il faut être là au bon moment, chiner l’objet intéressant, se réapprovisionner. On ne fait pas “rien“ contrairement aux idées reçues » justifie ce bon vivant. Car le week-end, on mange sur son stand, entouré d’un briquet de tranché fabriqué dans un obus, d’un bracelet de cheville marocain ou d’un couteau de morutier suédois. « Mais ce qui se vend le mieux, c’est le haut et le bas de gamme. Le moyen n’intéresse pas » Ainsi l’argenterie et les timbales restent sagement sur les étagères débordantes du stand 235/237. Alors même si son fils ne compte pas suivre ses traces, sur le stand d’Yvan tout doit disparaître pour qu’il devienne enfin un vrai marchand.