Les médias sont de plus en plus soumis ŕ rude épreuve.
Patrick Guérin, directeur de la Communication du GIFAS, a récemment été élu membre titulaire de l’Académie de l’air et de l’espace. Il vient de prononcer son discours de réception et, ŕ cette occasion, il a évoqué avec talent plus de trois décennies de communication au service de l’industrie aéronautique et spatiale française. L’occasion de s’interroger sur une profession constamment en devenir et trčs secouée depuis quelques années.
Une professsion ? Non, deux ! Les communicants, d’un côté, les journalistes, de l’autre. Leurs relations sont étroites, complexes, parfois conflictuelles, dans un contexte désormais sans rapport ŕ ce qu’il fut précédemment. Une remarque qui s’applique tout particuličrement au secteur aérospatial et de la Défense ainsi qu’au transport aérien. Attachés de presse et médias sont victimes, de concert, chacun dans sa spécificité, d’une évolution de plus en plus difficile ŕ maîtriser.
Patrick Guérin a notamment souligné, ŕ juste titre, que l’apparition de sociétés européennes a changé la donne. EADS n’a gučre de points communs avec ce que fut Aerospatiale et, avant elle, Sud-Aviation. Dans les années soixante et soixante-dix, quand on parlait encore de Ťrelations publiquesť, la maničre de faire, le ton, étaient tout autres que ceux de la communication d’aujourd’hui. Laquelle repose sur des techniques trčs sophistiquées, des méthodes rigoureuses, des objectifs jamais mis sur la place publique et certainement pas révélés aux médias.
En fait, les cibles ne sont plus les męmes. Il n’est plus seulement question d’utiliser habilement les relais médiatiques pour créer puis entretenir une bonne image. Les attentes des entreprises (y compris les grandes compagnies aériennes) sont formulées au niveau de la direction générale, de la direction financičre. Il s’agit de soutenir obstinément le retour sur investissement et la bonne tenue du cours en bourse et tous les efforts tendent vers cette direction, le coeur de cible.
On le constate de toutes les maničres imaginables, anecdotiques ou graves. Nous avons tous en mémoire une campagne Ťinstitutionnelleť d’Aéroports de Paris qui, pas une seule fois, ne montrait d’avions. Il n’était question que de commerces de luxe, de boutiques hors taxes, d’un vaste centre commercial consacré tout entier ŕ l’excellence française en matičre de parfums, de mode. Le chic parisien, façade derričre laquelle se dissimulent soigneusement des loyers exorbitant et des redevances qui ne le sont pas moins.
Se greffe sur cette image d’un monde de plus en plus irréel le problčme posé par la communication de crise. Laquelle sort du bois sans prévenir dčs l’instant oů le monde idéalisé construit tout ŕ la gloire des directeurs financiers est secoué par un problčme grave, un accident au propre ou au figuré. Ces situations sont, elles aussi, trčs contrôlées, mais avec un savoir-faire de qualité variable. Et, dans ces moments-lŕ, il n’est pas bon, par exemple, d’ętre fabricant de sondes anémométriques ou vulcanologue.
C’est aussi le moment tant redouté oů les communicants mesurent leur efficacité et espčrent engranger discrčtement les résultats de leurs efforts sans cesse renouvelés, ceux qui consistent ŕ établir de pseudo amitiés dans les médias. Ce sont les Ťdividendesť de la communication. On peut ne pas ętre dupe mais éprouver quand męme les pires difficultés ŕ résister ŕ des pressions qui n’avouent pas leur nom. Cela sous prétexte que Ťl’amitiéť vraie ne peut ętre ŕ sens unique.
Fort heureusement, puisque tel est notre point de départ, le GIFAS est peu exposé ŕ ce type de problčmes. C’est plutôt la parité euro/dollar qui donne des insomnies ŕ ses responsables. Mais il lui a néanmoins fallu réussir une transition délicate, compléter la communication par des relais politiques et maîtriser les techniques de lobbying.
Last but not least, il s’agit ŕ présent d’intégrer un
nouveau venu encombrant, omniprésent, aux contours flous, Internet, bien sűr. Les journalistes, note Patrick Guérin, sont désormais installés en permanence devant leur écran. Il y a lŕ un danger. Du coup, on voudrait que les anciens soient davantage écoutés et contribuent ŕ un retour aux fondamentaux de l’information juste et équilibrée. Faut-il s’inquiéter au point de laisser s’installer le pessimisme ? Personne ne s’aventure ŕ répondre franchement ŕ la question. Ce serait une preuve de grande témérité, ŕ vrai dire pas trčs crédible.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(Photo: Daniel Faget)