A l'occasion de la sortie officielle, hier, d'Obiwi, lancé -entre autres- par Julien Jacob, avec qui j'échange depuis de nombreuses années sur les question de l'évolution des médias, et après quelques (!) missions de conseil pour des acteurs des médias traditionnels, voici quelques réflexions. Qui appellent le commentaire.
1. La publicité sur les blogs "anonymes" et mono-auteurs ne fonctionnera jamais
Ce n'est un secret pour personne, sur internet, l'offre (le nombre de pages de publicité disponible à la vente) dépasse largement, très largement la demande (le nombre d'annonceurs prêts à investir sur la toile). La progression rapide de l'investissement publicitaire (Plus de 50% de progression par an depuis 2003 selon la police, un peu moins selon les manifestants*) ne permet pas d'inverser la situation. Puisque le volume de pages continue lui aussi à progresser dans des proportions plus rapides encore.
Le choix des annonceurs s'opère selon deux schémas :
- Je souhaite toucher la proportion maximale de ma cible au meilleur prix. Mon indicateur de succès est le taux de clic - transormation - leads - achat, ...
En général, alors, les agences média proposent d'arroser à tout va. Au tarif le plus bas. On est dans une approche "achat" de contact. Le contexte n'importe peu. Les grands portails et les régies externes qui agrègent des "petits" éditeurs sont passés rois dans cette catéorie. Ils attirent avec des "marques" ou emplacements (home page) emblématiques, ils négocient sur du "fond de panier" sur lequel ils ont un inventaire (pages disponibles) quasi inépuisable.
Dans ce cas, soyons simple : ce sont les agences média et les annonceurs qui font le tarif et le mode de commercialisation (en général à la performance). Les régies publicitiaires acceptent - ou pas. L'alternative s'appelle Google et ses liens contextuels.
- Deuxième cas de figure : le souhaite valoriser ma marque, mon offre, mon entreprise en profitant de l'aura du média sur lequel j'annonce.
Ici, la situation est différente. Le retard pris par les médias traditionnels sur internet en France, le nombre limité de supports "pure players" sur les secteurs clef des annonceurs, font que l'équilibre entre offre et demande est plus tangible. On peut alors se retrouver, dans le BtoB, par exemple, ou sur des pages d'accueil de sites emblématiques avec des délais d'attente réels. Des tarifs qui "se tiennent"... et des marques qui sortent valorisées par leur présence sur le support, au delà de la "simple" analyse de performance immédiate (taux de clic, etc...). Alors qu'utiliser des blogs à l'audience limitée, au contenu rédactionnel impossible à évaluer rend leur usage dans le cadre de camapgne publicitaire d'image bien souvent inimaginable (voir image ci-contre - le logu Auchan associé à un blog ordurer "l'usurpateur" dédié à Jacques Chirac)
Aujourd'hui, la grande majorité des "User Generated Contents" sont donc commercialisés - s'ils le sont - selon le premier modèle (des pages vues vendues au kilo, au clic, à la performance, etc...). Normal, ils ne viennent que gonfler la masse des pages disponibles, sans valeur ajoutée perçue. Pourquoi ? Car les auteurs ne sont pas perçus comme "légitimes" sur les sujets qu'ils traitent. Il n'ont pas atteint le statut de "marque méda". Le modèle publicitaire "classique" sur les blogs et tous contenus non "valorisés" ne peut donc pas trouver d'équilibre, aujourd'hui, et pour encore un bon moment.
2. Pourquoi un tel phénomène ? La puissance de l'éditing
Cela ne signifie pas, loin de là que les contenus produits par les utilisateurs, que le journalisme citoyen, n'ont pas d'avenir économique de mon point de vue. Mais leur équilibre économique passera par leur reconnaissance éditoriale. Comment atteindre cette reconnaissance, alors ?
Depuis longtemps, le métier de journaliste est multiple. Les rédactions font écrire d'un côté, et structurent, organisent, valident les contenus d'un autre. Les blogueurs se sont demandé pendant longtemps s'ils étaient des journalistes. Ce n'est pas la question. Ce qui est certain, c'est un blog n'est pas un journal. C'est le point de vue d'un - ou plusieurs - rédacteurs. Non édité. J'entends pas là non réorganisé et structuré par un rédacteur en chef technique. Editor en anglais si je ne m'abuse. Editeur pour certains canards en France.
Agoravox a ouvert la voie en "validant" des contenus (=vérification de l'exactitide + sélection ou non). Certains ont suivi - comme Paperblog par exemple. Mais quelle est leur mission ? Eux-mêmes ont du mal à la définir.
J'ai échangé régulièrement avec Julien depuis son départ de CNet sur la notion de journaliste citoyen. Sur le rôle de "l'éditeur" face au rédacteur. Je pense qu'Obiwi ouvre une voie qui va participer à définir le nouveau modèle des médias. Une interaction forte entre journalistes pro et amateurs (Pro/Am comme disent les américains), une véritable ligne éditoriale (=j'oriente les travaux de mes "rédactions"). Une mission d'éditing.
Obiwi va aussi permettre de définir de nouveaux modèles publicitaires, de mon point de vue. Un environnement rédactionnel dans lequel les annonceurs seront valorisés.
Obiwi a choisi l'approche étitoriale par centres d'intérêt. Elle est la plus logique aujourd'hui. D'autres vont voir le jour dans les mois qui viennent sur d'autres approches... Je ne vous en dit pas plus, mais nous vivons une époque formidable...
Bref chapeau à Julien et toute l'équipe d'Obiwi pour leur courage et leur ténacité, j'en connais (très très bien !) certains qui se sont arrêtés en chemin...
* Les investissments publicitaires sur internet en France sont publiés en "brut" (somme du nombre de bannières et autres formats achetés multipliés par leur prix facial - ce traif ne prend donc en compte aucun dégressif, les espaces commercialisés à la preformance sont recalculés en "équivalent CPM"). La réalité des tarifs pratiques varie selon les secteurs et le type de support de moins beaucoup à moins énormémént (record vu de mes yeux : -99% sur une proposition pour un de mes clients, je vous promets)