Chaque année, nous organisons des tests sur le niveau du savoir scientifique chez des étudiants, deux ans après leur scolarité secondaire. Les résultats ne laissent aucune place au doute ; en tout cas, ils interrogent fortement. Prenons le cas de l’ADN en biologie, un sujet largement enseigné et fortement médiatisé. Deux à trois ans après, on constate qu’ils n’ont retenu qu’une vague image de double hélice : un savoir factuel, en aucun cas opératoire. Les confusions sont multiples entre « gènes », « chromosomes » et « ADN » ; de même, les liens avec la fabrication des protéines ne sont pas établis.
En physique, ils se souviennent de formules, de même qu’en chimie. Toutefois leur signification, leur domaine d’application leur reste largement inconnu. Ainsi il leur est difficile de distinguer : « force », « énergie », « travail » et « puissance ». Et les obstacles sont partout, à commencer dans les niveaux d’organisation de la matière. Il n’est pas rare de trouver des cellules dans les chromosomes ou les atomes, et ces derniers dans les particules élémentaires !
Les sciences ennuient à l’école :
A la limite, ces questions de connaissances ne sont pas les plus graves. Ce qui chagrine est surtout quelque chose que ne met pas en avant l’évaluation PISA : c’est le sentiment d’ennui et de désintérêt pour les sciences qui ressort des entretiens. Cet enseignement tel qu’il est pratiqué décourage, voire dégoûte la plupart des jeunes. Nombre d’heures de cours sont jugées comme « rébarbatives », voire « imbuvables »…
L’acquisition d’une démarche proprement scientifique est évacuée au profit de l’apprentissage de définitions et de procédés standards. Les élèves ont l’impression que l’enseignement sous-estime l’expérience et leurs capacités de jeunes en leur présentant les phénomènes hors des conditions réelles dans lesquelles ils se produisent. Pour eux, « Ils (les enseignants) s’intéressent plus à la note qu’au savoir»… Les jeunes disent y apprendre « des formules toutes faites » au détriment d’une réflexion personnelle. Ils y accumulent des « sommes des détails, mais… on ne comprend rien ». Ils ont le sentiment qu’on leur fait faire des sciences pour elles-mêmes. L’enseignement leur paraît répondre à des questions qui ne sont pas les leurs… mais surtout avance des savoirs sur des questions qui ne sont même pas posées !Bref, l’enseignement scientifique est jugé « trop obscur » : c’est une « science coupée du réel » et qui n'introduit pas aux « modes de pensée pour affronter le monde de demain ». « On n’y apprend pas les repères pour notre époque». Dès lors, la démotivation s’installe et… les mêmes erreurs se perpétuent de la maternelle à l’université.
Plus grave encore, l’éducation scientifique est jugée comme une fabrique d’exclusions. De nombreux adolescents et jeunes adultes ne voient en elle qu’un facteur de sélection scolaire, par l’échec, au même titre que les mathématiques.
Rien d’étonnant alors que le nombre d’étudiants dans les branches scientifiques soit partout en diminution… La physique devient la branche la plus sinistrée : en Allemagne, on constat une diminution de moitié des inscriptions en physique en 10 ans, en France, moins 12% chaque année. En Grande-Bretagne, la situation devient franchement alarmante et le renouvellement des chercheurs n’est plus assuré.
Pourtant, les très jeunes enfants aiment les sciences et sont enthousiastes. Observons le succès des activités de découverte à l’école, comme la Main à la pâte ou autres, le propositions extra-scolaires des Petits débrouillards, de Planète Sciences, Objectifs sciences et autres fêtes comme les « miniU », les miniLabs… Que se passe-t-il ensuite ?
Un article d'André Giordan .La suite ici.