Devant le déluge commémoratif de l’appel du 18 juin, on reste forcément un peu interdit. Que faire : participer ? ou se taire ?
Il semble pourtant que la question de 1940 vous intéresse, ainsi que le volume de vos commentaires des quelques billets consacrés à la question le prouve. D'où ces quelques petites rmearques.
1/ J’ai donc lu un petit ouvrage paru il y a presque dix ans : « les 30 jours qui ont fait De Gaulle » par Michel Tauriac. Ça se lit très rapidement, et raconte, jour par jour, de Gaulle entre le 18 mai 1940 (Moncornet) et le 18 juin (BBC) : ou comment un colonel commandant une division cuirassée (vos rendez-vous compte : on confiait des divisions à des colonels, à l’époque : certes de réserve, et constituée de bric et de broc) devient un général entrant dans l’histoire. Cette succession de jours est absolument captivante, car elle révèle à quel point l'homme de guerre devient, nécessairement, homme d'Etat. Les déchirements de l'histoire permettent ces "révélations" subites, et incroyables.
2/ On y voit des équipages de chars découvrant leur engin la veille de l’engagement, la bataille d’Abbeville, moins connue que Moncornet, Gamelin, Weygand et Reynaud, les derniers jours enfin, plus connus. L’alternance des témoignages (des petits comme des grands) rend la lecture particulièrement attrayante. Bref, un ouvrage « facile » mais instructif à bien des égards.
3/ On a surtout un peu conscience de quelque chose dont on ne se rend pas compte quand on connaît la fin de l’histoire : non seulement l’absolue solitude de Charles de Gaulle, mais surtout le pronostic très pessimiste envers les chances anglaises de résister à Hitler. Ceci explique que la plupart des Français désertent Londres fin juin, avant la bataille d’Angleterre qui, faut-il le rappeler ? n’a été gagnée qu’à un fil.....
4/ A compléter bien sûr par les « Mémoires de guerre ». Sans nul doute, là réside la vraie polémique : non qu’on les ait choisis au programme du bac, bien sûr (et on voit là la perte d’influence des excités du SNES dont la pétition aurait triomphé il y a encore dix ans, alors qu’elle ne mérite aujourd’hui qu’un pétard mouillé), mais qu’on ait sélectionné le troisième tome, alors qu’à l’évidence le plus épique reste le premier tome.
5/ Dernière question, d’orthographe cette fois. On a pris l’habitude d’écrire de Gaulle avec une minuscule. Mais j’avais lu jadis que la famille du général ne possédait pas une particule nobiliaire, mais flamande, et qu’on rendait en général compte de cette différence en écrivant De Gaulle, avec une majuscule au De. Les lecteurs d’égéa peuvent-ils répondre à cet urgent débat ?
O. Kempf
J'ajouterai cette lettre d'un lecteur du Monde, parue ce soir : On a l'habitude de dire, comme un automatisme, que De Gaulle en juin 1940 a désobéi. C'est là une vision erronée de sa pensée et de son action. De Gaulle n'a pas désobéi. Tout au contraire. Il a appliqué scrupuleusement une règle militaire bien connue. Quand ses supérieurs sont morts, blessés, prisonniers, n'exercent plus leur commandement, l'officier le plus ancien dans le grade le plus élevé a le devoir de prendre, lui, le commandement de l'armée.Transposant cette règle militaire à la politique, c'est ce que fit de Gaulle. L'armistice allait être signé et la France par là-même se soumettre à la puissance occupante. Tous les ministres seraient par conséquent empêchés d'assurer le gouvernement de la France. Jeune sous-secrétaire d'État, il s'est donc senti le devoir d'assurer, lui, ce gouvernement. Et; acceptant l'hospitalité du Royaume-Uni, il s'en donna les moyens. Renoncer, oublier les grands principes qu'on prétend défendre, leur désobéir... est à la portée du premier venu. Se souvenir de ces principes et leur obéir demande au contraire force d'âme et détermination. Désobéir est banal. Obéir est singulier. Et d'autant plus que les circonstances sont plus dramatiques. Soixante-dix ans après, ne nous trompons pas sur le sens du choix de De Gaulle : nous commémorons une obéissance, pas une désobéissance. Signé par Denis Monod-Broca, Paris.