Cette femme qui, un jour, dans une de nos discussions, fit référence à une de ses amies. Sans doute l'une de celles avec qui elle passait le plus de temps. En en parlant, elle me dit que cette amie avait souvent la dent dure avec elle. « Elle me critique sans arrêt », dit-elle en souriant. Je m'abstins de commenter. « C'est vrai, reprit-elle, elle est toujours en train de me critiquer ». Et il y avait maintenant dans son ton, comme de l'incrédulité. Elle se mit à rechercher à quelle occasion récente cette amie – ou supposée telle – lui avait prodigué un encouragement ou simplement un parole agréable, l'un de ces mots qui nous renvoie une image positive de nous-même, et nous « renarcissise ». Mais non. Elle avait beau chercher, il n'y avait rien, ou quasi. Je sentis dans son regard, l'espace d'un instant, un léger vertige. Suivi d'un soulagement et d'un sourire. Finalement, elle se porterait mieux de ne plus chercher la compagnie de cette personne, d'éviter ses plaintes, critiques et récriminations incessantes. Elle quitta mon bureau heureuse d'avoir vu ce qui se passait réellement aujourd'hui dans sa relation avec cette femme.
Cette anecdote me rappelle combien nous avons parfois de difficultés à actualiser nos relations. A voir, au-delà du rapport affectif qui s'est noué à un moment, comment cette relation a évoluée. Ce qu'elle est devenue avec le temps. Ce qu'elle nous apporte et ce que nous y investissons. Avons-nous dérivé vers une forme de dépendance ? Continuons-nous de ressasser les mêmes vieilles histoires ? Et alors, que signifient-elles, au juste ? Ou bien, au contraire, est-ce que nous trouvons de nouvelles expériences à faire ensemble, de nouveaux terrains d'échange et de discussion, riches d'enseignements croisés ?
Il faut savoir regarder le présent. Cela ne signifie en rien renier une relation, l'aide que nous avons reçue, ou donnée. Mais simplement aller vers ce qui nourrit, plutôt que pleurer au pied d'un arbre stérile, fût-il celui de l'amitié.