C'est une nouveauté 2010 en matière de justice, le procès Kerviel peut être suivi en direct en toute légalité. Une lacune légale permet de suivre minute par minute les interventions de l'accusation, de la défense, des témoins et de la cour. Grâce notamment aux téléphones portables, tout est retranscrit par écrit. Les enregistrements, les photos et les vidéos sont interdits mais pas les écrits. Du coup, il n'en fallait pas plus pour que des personnes du public assistant au procès s'engouffrent dans cette brèche. Il y avait les dessinateurs présents aux procès et maintenant il y a les rapporteurs.
Robert Hossein avait imaginé sur scène une révision théâtrale des grands procès de notre histoire, tels que Seznec et Dominici à la fin desquels le public et les téléspectateurs donnaient leur avis, mais avait-il imaginé que cela pouvait se faire en direct ? Tout le monde va pouvoir se faire une opinion et donner son intime conviction. C'est comme si le procès se déroulait à ciel ouvert sur grand écran dans tous les pays du monde, les vuvuzelas en moins.
Alors, justement, quel est mon sentiment sur cette affaire. D'une manière générale, j'ai l'impression que ce procès est plus un procès pour laver l'honneur des banquiers plutôt que pour condamner un homme. Il faut être clair, la banque au logo rouge et noir ne récupérera jamais les 4,9 milliards d'euros perdus. Cela dit, elle peut se consoler avec les bénéfices réalisés ces derniers temps. La crise ne l'a pas fait boiter longtemps. Je pense donc que la Société générale tente par cette opération de prouver que c'est une banque honnête et qui a une éthique. Si si, il paraît que les banquiers sont des gens qui ne travaillent que dans l'intérêt de leurs clients. Ces opérations d'envergure aux milliards d'euros ont été faites à l'insu de son plein gré. Les chefs n'étaient pas au courant, seuls les écrans de leurs ordinateurs le savaient. Les banques, ont la vue avec cette crise, ont tellement l'habitude d'être à l'abri des risques, assurés par les Etats et le contribuable, qu'elle ne comprend pas comment cela a pu arriver, selon elle. Alors, forcément, Jérôme Kerviel a tout fait en douce devant tout ses collègues et ses supérieurs.
Le témoignage de Catherine Lubochinsky, professeure au Master finances de Paris II, nous ouvre clairement les yeux sur toute l'affaire. Je considère qu'elle est témoin à décharge de Kerviel. Dans ces propos, elle remet en cause le système. La banque impose des limites et des contrôles en théorie, sur le papier, mais lorsque des dépassements et des sommes astronomiques défilent sous les yeux des responsables, ça ne les fait pas tiquer plus que ça. Ils demandent des explications mais laissent continuer les opérations. Il faut bien garder en tête que la banque n'a rien contre gagner quelques milliards, elle laisse donc faire car tous les protagonistes y ont des intérêts, surtout en matière de bonus.
A l'instar de l'affaire du sang contaminé qui avait vu condamné une seule personne, un médecin, je sens bien que le trader Jérôme Kerviel va subir le même sort : être le fusible qui gêne et payer les post cassés. La liberté ne tient qu'à un clic... ou pas.