En ces temps de coupe du monde, et donc d’overdose footballistique, il y a un phénomène qui paraît intéressante à examiner : celui de l’extrême distanciation entre le spectateur et la réalité d’un match de football.
Un match de foot, à la base, c’est 22 types sur un terrain, 90 minutes de jeu et, le plus souvent, l’intention de marquer un but de plus que l’adversaire.
D’accord, mais que fait le spectateur moyen quand il pense « football » ?
Si l’on réalise une approximation statistique de la ventilation du temps d’exposition du cerveau humain à l’univers « football », nous tentons la pondération suivante :
• 0.5% de ce temps est passé au stade à voir un vrai match,
• 5% est passé devant sa télé à regarder la retransmission d’un match,
• 20% est passé à lire ou écouter des analyses de ce qu’on a vu (ou pas vu) en regardant (ou pas) le match à la télé,
• 74.5% est passé à discuter, commenter, argumenter et déblatérer (demis à l’appui) entre amis, collègues ou en famille sur le dernier / prochain match de foot ou le monde du football en général.
Arrêtons-nous un instant sur ces chiffres, ils sont très révélateurs. 99,5% (oui, vous avez bien lu : 99,5%) de notre temps « football » ne sont pas consacrés à regarder des joueurs jouer au foot.
Au mieux, on regarde le match à la télé : 25 caméras dans le stade, le filtre sonore qui enlève le vrombissement des vuvuzelas, les ralentis, les commentaires… bref, ce n’est plus du foot, mais du spectacle. Du coup, quand, à l’occasion, on retourne au stade, on ne voit pas bien le jeu, on s’ennuie, ça ne bouge pas assez, les ralentis nous manquent, le duo pizza / bières aussi. Bref, on est perdus.
Au pire, on se contente de l’épaisse couche d’images et de bavardages médiatiques : analyses, commentaires, compilations des buts, commentaires des commentaires, polémiques sportivo-politiciennes, conférences de presse, écrans plats remboursés en cas de victoire des Bleus, portraits de footballeurs, vuvuzelas et Govouzela, scandales (Zahia cette fois ci, les prostituées allemandes en 2006), flashs spéciaux à la radio, mascottes, chansons, etc, etc.
On n’a jamais autant parlé de foot que pendant une coupe du monde, or, on peut dire que le spectateur n’a jamais été aussi loin de la réalité du jeu. Du coup, il se plaint : les matchs sont chiants, il n’y a pas assez de buts, mais que font ces stars payées des millions. Finalement, le football n’est pas aussi intéressant que ça, en tout cas pas autant que ce que les médias le prétendent… on me vend un spectacle, alors que ce n’est que du sport… merde…
Nous pourrions donc proposer la conclusion provisoire suivante :
Comme le citadin a progressivement perdu contact avec la nature, le supporter moderne a fini pas oublier ce qu’était le football ; désormais il n’en perçoit plus qu’un reflet largement déformé.