Retraites : une réforme emblématique du Sarkozysme

Publié le 17 juin 2010 par Hmoreigne

Chiffon rouge. Nicolas Sarkozy qui aime à se présenter comme un grand réformateur a, vite fait mal fait, livré la copie d’une réforme censée jouer le rôle de marqueur de son mandat. Si chacun a bien conscience d’une nécessaire remise à plat, la réforme ne convainc pas. 52% des français la jugent injuste et inefficace. Un français sur deux donc, ce n’est pas un hasard. Le Sarkozysme ou l’art de cliver pour régner…sans rien régler.

S’il est un constat objectif que l’on peut bien dresser, c’est que les classes populaires seront les premières victimes de la réforme des retraites. La France qui se lève tôt et qui fait les métiers pénibles est en ligne directe, traitée peu ou prou de la même façon que les professions valorisantes et valorisées, plus intellectuelles. Les travailleurs sont égaux devant la mort pas devant la durée de la retraite qu’ils peuvent espérer. C’est sur ce constat, n’en déplaise aux économistes, que l’abaissement de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans avait été décidé par François Mitterrand. Un président qui amait à rappeler dans un volontarisme de force tranquille qui tranche avec l’agitation de Nicolas Sarkozy que, “là où il y a une volonté, il y a un chemin.”

En première ligne dans la bataille contre une réforme que la gauche dans son ensemble juge inique, Patrick Apel-Muller dans l’Humanité donne des chiffres qui interpellent : les plus fortunés ne cotiseraient que pour 1% de leurs revenus quand les salaires des fonctionnaires seraient amputés de 3%, les salariés financeraient 22 milliards d’euros de leur poche tandis que les revenus financiers, les dividendes et autres stock-options ne contribueraient que pour 3,7 milliards. L’éditorialiste du quotidien communiste en tire une conclusion vouée à trouver un certain succès : “Les dirigeants de l’UMP s’étaient indignés que le président soit comparé à l’escroc Madoff. Ils avaient raison: le financier volait des riches alors que ce sont les pauvres que dépouille l’hôte de l’Élysée“.

Fallait-il sur ce sujet là, mener à 400 à l’heure dans un simulacre de concertation un tel chantier ? La réponse est non si l’on fixe en objectif pérennité et consensus. La réponse est oui si cette réforme est destinée à constituer un marqueur idéologique à l’égard des classes possédantes et des marchés financiers. “S’il est irresponsable de ne rien faire, il peut se révéler tout aussi contre-productif de vouloir transformer la réforme des retraites en bataille idéologique droite contre gauche” prévient Le Monde.

Pourquoi en effet avoir traité avec autant de dédain la proposition socialiste d’un effort partagé avec la recherche de nouvelles recettes du côté du capital ? L’absence de prise en compte de cette proposition et la volonté de boucler très rapidement le dossier révèle le défaut congénital de cette réforme. Les besoins de financement de l’Etat sont tels qu’il faut garder en réserve ces éventuelles recettes supplémentaires. Autrement dit, la réforme des retraites n’aurait jamais du être dissociée d’un plan panoramique de redressement des comptes publics.

Reste une mauvaise réforme au mauvais moment. Quand syndicats, gauche et économistes se montrent sceptiques, c’est bien qu’il y a un problème. Les Echos relève que les mesures arrêtées ne comblent pas les déficits mais permettent des économies massives. Martine Aubry synthétise les doutes lorsqu’elle déclare “Après 2018, c’est le trou noir! Il faudra tout recommencer ”.

Loin de rassurer la réforme se dévoile anxiogène. Là où il fallait de l’intelligence, de l’innovation, l’exécutif s’est contenté de bricoler les mécanismes d’une horlogerie en bout de course sans être capable de faire émerger une nouvelle architecture d’un système adapté à un monde qui a considérablement muté.

La bataille de l’opinion publique et de la rue se profile pour des salariés partagés entre résignation et indignation, simplement retardée par une opportune coupe du monde football. On ne peut dès lors que partager le vœu formulé par Dominique Quinio dans La Croix : “Puisse l’enjeu ne pas empêcher les dernières concertations, les accommodements raisonnables. Pour une réforme plus juste et pérenne.” Un peu moins de politique politicienne et un peu plus de vision d’homme d’Etat.

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