Magazine Poésie

PARTIR de Tahar Ben Jelloun

Par Fleurdusoleil

jeudi 17 juin 2010

PARTIR de Tahar Ben Jelloun

partir


« La petite Malika, ouvrière dans une usine du port de Tanger, demanda à son voisin Azel, sans travail, de lui montrer ses diplômes.
– Et toi, lui dit-il, que veux-tu faire plus tard ?
– Partir.
– Partir... ce n'est pas un métier !
– Une fois partie, j'aurai un métier.
– Partir où ?
– Partir n'importe où, là-bas par exemple.
– L'Espagne ?
– Oui, l'Espagne, França, j'y habite déjà en rêve.
– Et tu t'y sens bien ?
– Cela dépend des nuits. »
J’ai découvert Tahar Ben Jelloun à travers son roman “Sur ma mère”. J’ai immédiatement été conquise par la sensibilité et la pudeur qui émanaient de ses mots. Tantôt drôle, parfois nostalgique, il proposait de voyager dans le Fès de sa mère, lorsqu’elle était enfant puis quand elle devint une femme et une mère.
“Partir” était pour moi l’occasion de retrouver l’ambiance sucrée des rues marocaines. Mais pas que …
Dans un café de Tanger, dans la fumée des kifs et dans les effluves d’iode et de menthe, des hommes se perdent dans les méandres de la mer…ils rêvent de partir…
Nous rencontrons  Azel, un jeune homme marocain bercé par le rêve obsessionnel de rejoindre les côtes espagnoles. Il est jeune, beau, intelligent, il a étudié le droit. Mais ici à Tanger sa vie se résume à vivre sur les petits sous de sa soeur Kenza. Il ne trouve pas de travail, pas de considération, et dans ces conditions il ne souhaite pas fonder une famille.
Azel fait parti de cette jeunesse qui désire évoluer mais qui croule sous le poids de traditions ancestrales.
L’ Espagne, visible du port de Tanger est pour lui la terre de toutes les libertés. Elle représente la vie, l’argent, l’amour…
Azel est las d’attendre, lorsqu’il rencontre Miguel, un espagnol domicilié au Maroc.
Miguel propose à Azel de réaliser son rêve contre un peu d’amour et de tendresse.
Le jeune homme accepte sans hésiter, mais il se rend compte assez vite que le jeu n’en valait peut-être pas la chandelle. Les européens, confrontés au terrorisme des islamistes fanatiques, voient ces immigrés d’un mauvais oeil.
Nous rencontrons au fil du récit des personnages très attachants, nous ne pouvons rester insensible face à cette jeunesse incomprise de ses pairs. Comme  Icare qui voulait trop s’approcher de l’astre solaire, Azel et bien d’autres maghrébins ont quitté leur terre, se sont brûlés les ailes et sont tombés de haut. Car malheureusement,  l’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs.
Encore une fois, j’ai été touchée par la franchise, mêlée de pudeur, dans l’écriture de Ben Jelloun, qui est pour moi sa signature stylistique.

Quelques mots sur l’ auteur :

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  Tahar Ben Jelloun est né à Fès le 01 décembre 1944. Il passe son adolescence à Tanger. Il  étudie la philosophie à Rabat. Ses études sont interrompues par un séjour forcé de 18 mois dans un camp militaire. C’est là qu’il commence d’écrire. Il enseigne dans des lycées à Tétouan, puis à Casablanca où il collabore au Magazine Souffles.
Tahar Ben Jelloun est parti pour la France en 1971 car il ne pouvait enseigner la philosophie dans son pays puisque celle-ci devait désormais être arabisée.
Il publie en 1972 un recueil de poésie, puis son premier roman l’année suivante Harrouda. Il collabore régulièrement au journal Le Monde.  Avec le Prix Goncourt pour La Nuit sacrée en 1987, Tahar Ben Jelloun devient le Marocain le plus connu de France. Il intervient dans les problèmes de société, à propos de la situation dans les banlieues, du racisme…


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