la chanson d’un soldat
Comme un fou
le vent noir
sort de son antre
obscur
il rugit
comme un fauve
en passant
par les ruelles
étroites et sombres
et il se précipite
par les portes arrachées
- que ne ferment plus
les clous aigus
de mes désirs -
il jaillit intolérable
des escaliers de bois
en ruine
qui pleurent
bruyamment
- comme des harpes éoliennes
avec des voix humaines -
il fait irruption
dans les immenses
chambres mortes
il siffle
en s’échappant
par les cheminées
et
par
les fentes
du plafond
- après avoir emporté avec lui
la fumée du bois
qui brûle
quelque part
en secret
dans les cours vides
envahies
d’herbe -
et il se jette
haut dans les airs
pour ébouriffer
les nuages noirs
il tourmente
il transforme
dans l’infini
leurs menaces
muettes
et redescend
en serpentant
au bord
du lac
et voilà son terrible assaut
qui se brise
et se rompt
sur la résistance
victorieuse
qui ne peut plier
des peupliers
hauts et minces
aux cris
innombrables
sur les noirs
et tristes
navires
silencieux
et le lac noir
demeure
imperturbable
avec ses eaux
noires
et suspendues
ses noires
légendes
ses rives
noires
escarpées
ses mosquées
désertes
la caserne
détruite
les charrues
les rochers
les femmes blanches
et harmonieuses
au regard
amer
et suppliant
parce que
moi
j’ai ravagé
leurs yeux
quand
par un temps
semblable
à celui-ci
je luttais sur la mer
- vent debout -
là-bas
du côté
de
Monemvassia
Nikos Engonopoulos, Le Retour des oiseaux, 1948, édition Ikaros pour le texte grec, traduction inédite de Constantin Kaïtéris
contribution de Constantin Kaïteris
fiche bio-bibliographique de Nikos Engonopoulos
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