Sans cesse, dans ses Mémoires, Chateaubriand s’applique à tracer un portrait de Napoléon en monstre. C'est-à-dire à proprement parler comme quelqu'un à qui ne s'appliquent pas les normes usuelles.
Son orgueil est incommensurable, son ambition infinie. Il ne se préoccupe pas de durer, de construire mais seulement de conquérir. Ce qu'il édifie, il le bouleverse presque immédiatement, changeant les alliances, les règles, les souverains à sa guise.
Exemple frappant: son retour lors des Cent-jours est condamné d'avance et il le sait: les forces coalisées ne sont pas encore dissoutes et lui doit reconstruire une armée. Mais le désir de conquête immédiate est plus fort que la raison.
Tout préoccupé de lui et de lui seul, il utilise la France, les Français, puis tous les peuples de l'Europe comme des instruments. Les souffrances des civils et des soldats le laissent insensible, quand il ne montre pas une schadenfreude bien inquiétante.
La légende d'humanité du petit caporal et ses soucis proclamés du soldat? De la propagande et de la démagogie. Contrairement ce qu'affirme le tableau de Gros par exemple, aucun contact n'a e lieu avec les pestiférés de Jaffa. Il n'a pas hésité à mitrailler la foule ou à ordonner des exécutions de masse de prisonniers.
Bien pire pour sa légende: très courageux sur les champs de bataille où il se pensait protégé par la destinée, Napoléon se montre pleutre quand il doit affronter personnellement des dangers. On le voit quand il traverse les rangs des Français hostiles lors de sa première abdication.
Et le positif? Parce que quand même, notre auteur doit lui reconnaître quelque chose! Oui: c'est un organisateur habile, un codificateur correct, un travailleur acharné, et surtout un général de génie, stratège et improvisateur, qui supplante tout le monde.
Mais (Chateaubriand n'a garde de l'oublier), un piètre écrivain et un Français douteux!