Magazine Journal intime

Knot 2 Shabby

Par Crapulax

17 juin 2010

Knot 2 Shabby

IMGP0284La « Citade Maravilohsa » n'a pas vraiment pas volé son surnom : Beach life classieuse de Copacabana ou d'Ipanema; Majestueuse baie de Guanabara dominée par le Corcovado, le pain de sucre et ses cousins; musique live omniprésente partout et cariocas, toujours cool et bienveillants. Il y a tout ça, certes mais ça ne correspond pas nécessairement à mon quotidien depuis presque trois semaines. D'abord parce que l'essentiel de mon temps a été pris par les formalités, les réparations du canot et un tas de tâches administratives en souffrance. Alors, j'en ai probablement moins « fait » que n'importe quel touriste avec un programme ambitieux sur 3-4 jours. Frustrant? Pas du tout. Bien au contraire car on ne s'imprègne jamais mieux d'un nouveau pays qu'en ayant des choses pratiques à y faire, sans compter les jours qui passent, avec le luxe de pouvoir simplement apprécier la saveur de son quotidien: Passer des heures aux douanes avec des officiels attentionnés qui vous expliquent 3 fois la procédure de prolongation à faire d'ici deux mois, afin de ne pas voir votre bateau saisi, juste parce ce qu'ils vous aiment bien, est un grand plaisir; rencontrer un Belge du Congo installé au Brésil depuis 1968 qui se plie en 4 pour vous réparer votre pilote au prix des composants seulement avant de passer deux heures avec vous sur la table à carte à vous détailler les meilleurs mouillages à venir est un beau cadeau. Prendre un bus conduit par des chauffeurs qui sortent de la même école de pilotage qu'Ayrton Senna est drôle; Deviner sans aucun doute possible le score du premier match du Brésil rien qu'à la clameur IMGP3575démente qui monte dans la baie à chacun des but est surprenant. Et puis les rencontres toujours comme Lila, cette artiste danoise un peu givrée, amoureuse de Rio et qui nous affranchit des nuits endiablées de Lapa avant de m'offrir un de ses dessins, juste pour qu'il puisse voyager lui aussi; les détails marrants enfin, comme pouvoir acheter des pompes à moins de 50 euros en 4x sans frais, passer devant une église qui distille de la variété US mielleuse, s'empifrer sur le pouce dans un comida o kilo etc.... Je ne pensais pas un jour retrouver la même intense addiction IMGP0381urbaine que celle que j'entretiens pour Istanbul et pourtant ça y est. c'est Rio. Dire que je ne suis même pas monté au Corcovado après presque trois semaines.... Il est bien difficile de partir d'ici et je crois que pour Olga, c'est encore plus difficile.

Il y a la chance aussi. J'ai ainsi rencontré mon grand frère cosmique: Pierre H. un Sud-Africain de 10 ans et de 20 vies mon aîné. Nos accointances et similarités sont étonnantes mais chez lui, tout est plus extrême et plus grand. A côté de lui, j'ai le sentiment d'être aussi aventureux qu'un brave fonctionnaire des PTT qui travaille depuis et pour toujours dans sa ville natale et s'est marié avec sa voisine. Pierre est arrivé en solo de Capetown sur un magnifique bateau de régate au terme de 7 semaines de mer infernales, des 50 noeuds dans le nez et des lames de 15 mètres, s'est retrouvé tout comme moi sans pilote à 2000 milles de Rio, mais seul, à devoir barrer 20 heures par jour un coursier exigeant. Je l'ai sorti d'un mauvais pas le soir où je l'ai rencontré. Décompression de ces longues semaines de mer, il était allumé et aurait fini par se faire tabasser ou sinon se noyer en

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tentant de rejoindre son canot, Knot 2 Shabby.  Knot 2 Shabby (« pas trop mal » en argot, jeu de mot marin inclu) est plutôt un nom de baptême modeste pour cette superbe production sudaf qui taquine les 20 noeuds quand on lui tire dessus dans les conditions du grand sud. Shabby et Galapiat sont, dans leur genre respectif, les deux pièces amirales de Clube Naval Charitas et nous sommes évidemment voisins.

Je déteste pourtant traîner trop longtemps avec les voileux en circuit fermé mais là, c'est différent: une amitié fulgurante et évidemment durable. D'excellents projets communs aussi car sa boîte Sudaf est déjà trop occupée à répondre à la demande de l'hémisphère sud. Alors il me propose comme une évidence de prendre ma chance au nord de l'équateur, de toutes façons « trop square » à son goût et non prioritaire pour s'y intéresser en direct. Voilà une perspective qui résoud

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élégamment la question de mon atterissage (crash?) en Europe sans filet ni point de chute en 2011. Impossible en effet de poser mes valises ailleurs dans l'immédiat si je veux pouvoir être plus proche de mes enfants. Mais quel cauchemar que de m'imaginer seulement remettre un costard pour aller jouer la sérénade à de potentiels employeurs et retrouver bientôt l'armée des clones....  Alors cette alternative inattendue tombe du ciel, comme un de ces hasards qui n'en sont pas, qui surviennent enfin à force de les provoquer. Il n'y a même pas d'urgence. Fin 2011 est parfait. Pierre a déjà prévenu son DG;  son appart toujours vide de Durban ainsi que son Alpha Roméo sont à ma disposition pendant le temps que je passerai la-bas à organiser avec ses équipes la mise en place d'un poste avancé de leur activité dans le Nord. Et ça sent très très bon. Je peux donc poursuivre mes périgrinations sans être troublé par le spectre du retour. Pierre est aussi enthousiste à l'idée que
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je puisse devenir son biographe. Entre ses ancêtres huguenots, ses 3 pères, ses deux mamans, le zoulou comme langue maternelle bien avant l'anglais; l'Angola dans les SAS; sa période rocambolesque de skipper pro sur maxi-yachts aux US, sa première boîte côtée en bourse qu'il a abandonné du jour au lendemain faute de supporter les financiers, son actuelle, cette fois-ci plus réduite mais sans autre actionnaire que lui même, ses deux divorces qui l'ont laissé à poil, tant de proches perdus dans des circonstances dures, des plaies et des bosses ramassées dans des environnements rudes et hostiles, son existence actuelle d'expatrié nautique millionnaire, et j'en passe, il y a matière pour une saga aventureuse à la Conrad. Pas du tout prudent mais expérience de survivant résilient aidant, Pierre se cherche désormais une seconde patrie quelque part vers la latitude de Capetown « au cas où », et le Brésil lui plait. Alors je crois que nous allons traîner pas mal ensemble au cours des prochains mois dans le sud. Il se désole du départ prochain d'Olga pour qui il a un sérieux beguin. Il voulait l'emmener sur Shabby à Buenos Aires pour la grande vie. Je leur aurais donné
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ma bénédiction sans hésitation, Olga l'adore mais n'est pas amoureuse. Elle craque plutôt pour les brésiliens qui le lui rendent bien. Lila prendra sa place sur Shabby et sera la muse de Pierre, à moins qu'elle ne change d'avis comme souvent. Elle aurait préféré que nous abandonnions Shabby ou Galapiat pour naviguer tous les quatre mais je ne suis pas encore assez inconscient pour me retrouver avec autant d'allumés au mètre carré. De toutes façons, Pierre et moi partageons le même goût luxueux du voyage sur des bateaux désormais trop grands pour nous. Hors de question de « s'entasser ». à quatre sur 14 mètres.

Sans compter la transat Panama-Hyères de 2008, je viens de fêter ma première année de voyage, Une année ultra-dense qui en vaut 10, qui m'a pris beaucoup et donné autant, une de celle que chacun devrait s'offrir au moins une fois pour être sûr d'être encore vivant, pour tenter de devenir enfin ce que l'on est quitte à se brûler souvent. Couteux mais vital. Je suis à mi-route, temporelle comme géographique. Les voileux voyageurs sont rares par ici. Ceux que nous croisons viennent souvent

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ou se dirigent vers le grand sud. Le sud.... Cette petite musique d'abord si ténue et qui devient de plus en plus lancinante. Ce n'est plus si loin d'ici maintenant. Galapiat est taillé pour ça et l'envie me titille de plus en plus tandis que l'appréhension se fait moindre mais ma logistique est déjà un tel casse tête que je ne peux l'empirer encore. Des aller-retours Europe-Brésil avec enfants, passe encore, mais depuis Punta Arenas, ça devient franchement n'importe quoi. Tant pis, je resterai un plaisancier du dimanche amélioré, pour l'instant. Je vais me sortir de l'attraction fatale de Rio et descendre m'installer à 100 milles plus au sud jusqu'en Septembre. Ilha Grande, Angra Dos Reis, Paraty, Ilha Bella, quelques 200 îles paradisiaques aux mouillages innombrables à un jet de Pierre les uns des autres nous y attendent. Base logistique idéale aussi pour les nombreux visiteurs qui passeront d'ici début Septembre. Le plus beau bassin de navigation du pays. « Not too Shabby » déjà, non?   



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