Toujours d’Annie Le Brun (je ne m’en lasse pas), ceci : « En attendant, inutile de chercher à savoir qui nous sommes entre deux aurores boréales en fuite dans le plissé des pulsions. Animaux approximatifs, corps stellaires, filtres du temps. La confusion est à son comble. Un faux sans limites vient doubler une réalité voulue sans bornes. Tout ce qui semble faire réponse tient de l'avancée sur l'abîme, alors que le mouvement général travaille à faire oublier les ténèbres qui nous assaillent. Voilà longtemps que la couleur a été prise de vitesse. Plus une ombre au tableau. Une négation sans noir. Et le noir travesti en couleur mode. Même ce qui pouvait encore nous en révéler l'existence - de la violence naturelle à la violence passionnelle, des arts sauvages à la sauvagerie de l'art, de l'énigme animale à notre animalité ... - est déjà la proie d'un cynisme ordinaire, retaillant êtres et choses à ses normes d'interchangeabilité, d'insignifiance et d'insensibilité. Prêt à revenir de tout, on ne s'émerveille plus de rien, pour mieux se persuader qu'on ne se laissera pas prendre, alors qu'on est déjà pris. Pourtant, qu'il convienne aujourd'hui à un nombre croissant d'esprits forts de s'en aller répétant que « le vrai est un moment du faux » n'implique pas forcément qu'il soit devenu impossible de dire non à ce qui amoindrit, brouille ou contrefait. Devant l'inadéquation grandissante de la critique à ce qui se vit, il se pourrait même que la révolte soit en train de changer de forme parce qu'elle a déjà changé d'objet. Non qu'il s'agisse de se détourner de la critique sociale. Au contraire même, dès lors qu'il importe de discerner ce qui, bien en deçà, est mis en œuvre, pour nous couper de l'insondable énergie utopique dont celle-ci est toujours redevable. ». A propos, vous savez quoi ? Ce week-end, pour les parisienn-ne-s, c’est le traditionnel Marché de la Poésie.