Chaque geste comprend une portion de destin
et c’est pourquoi tous exhibent
une dose surprenante de nécessité
qui semble peser de son poids propre.
Néanmoins,
il doit exister une autre unité de mesure
pour calculer avec précision
la quantité de destin de chaque geste.
Et ainsi de chaque mot,
qui est un geste verbal,
de chaque image visible,
qui est un geste fait de la substance même du regard,
de chaque signe qui nous frôle
et qui n’est qu’un fil de la trame de l’air.
Même un accident est un geste du destin,
peut-être une hyperbole du destin,
comme un emportement de son lyrique excès.
Et même le hasard est un geste du destin,
le seul peut-être qui rassemble tous ses pouvoirs,
comme un bouquet détaché dont les fleurs se répandent.
Car le destin lui-même a besoin
de liberté pour improviser.
(Roberto Juarroz)