Que pèse l’honneur d’un pays au regard de quelques milliards d’euros de contrats (y compris d’armement) avec un Etat où les droits de l’Homme et la démocratie sont bafoués depuis des décennies ??? A priori pas grand-chose à en croire Nicolas Sarkozy qui reçoit, en visite officielle, Mouammar Kadhafi le jovial dirigeant libyen qui a si sympathiquement accueilli pendant des années les infirmières bulgares dans ses geôles réputées pour leur confort ou qui a tant fait pour le notoriété internationale de Lockerbie.
Mais soyons rassuré, le président de la République assure avoir "demandé au colonel Kadhafi de progresser sur le chemin des droits de l'Homme". On croit rêver : Nicolas Sarkozy absout un dictateur par une simple petit de leçon de morale avant de lui vendre des Rafale et autre centrale nucléaire, au motif qu’il s’agit d’un chef d’Etat "qui a choisi de renoncer définitivement au terrorisme et qui a choisi d'indemniser les victimes". Il est étonnant de constater à quel point Nicolas Sarkozy peut être répressif à outrance en France et dans le même temps avoir le pardon aussi facile vis-à-vis de l’étranger, alors que pour prendre une comparaison qui devrait parler à Nicolas Sarkozy, vendre des armes à un Etat terroriste c’est un peu comme prescrire du Viagra à pédophile…
Et qu’on se le dise quiconque n’est pas d’accord avec le président de la République sur ce sujet a tort. Ainsi Rama Yade, qui a un instant eu l’outrecuidance de penser que son secrétariat d’Etat aux Droits de l’Homme était autre chose qu’un effet d’annonce, a eu le droit de se faire tancer par Nicolas Sarkozy lui-même pour avoir osé affirmer dans la presse : "notre pays n'est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits", jugeant même que la France "ne doit pas recevoir ce baiser de la mort". Après avoir fait mine de défendre sa secrétaire d’Etat, Bernard Kouchner a vite fini par sombrer dans la rhétorique sarkozienne de bas étage en posant cette question biaisée : "demandez aux Français si les milliers d'emplois que représentent ce que j'espère être les contrats qui vont venir, doivent être négligés dans un temps difficile".
Il n’y guère que Jean-François Copé pour parvenir à être plus faux-cul que le ministre des Affaires étrangères en tenant de justifier sa probable non présence dans l’hémicycle en même temps que le "guide de la révolution libyenne" : "en l'occurrence, c'est au moment même où je réunis l'ensemble du groupe de l'UMP et donc, en l'occurrence, je ne suis pas certain d'y être pour cette raison". S’il avait un tant soit peu d’amour propre et de courage (mais cela se saurait…), il aurait clairement fait part de son dégoût, comme le fait le député UMP, Lionnel Lucas (qui mériterait d’être sanctionné par son parti pour de tels propos..), en affirmant que "l'honneur des parlementaires, ce n'est pas de se compromettre avec un terroriste" puisque "l'Assemblée nationale, c'est quand même celle qui est l'héritière des droits de l'Homme et du citoyen" avant de conclure : "très franchement, c'est parfaitement inopportun et il faut qu'on arrête cette mascarade". Comme quoi c’est pas si difficile que cela d’afficher un minimum de dignité…
Et dire qu’au soir de son élection, Nicolas Sarkozy avait annoncé que la France serait "aux côtés des opprimés" (et comme il ne boit pas, il n’avait même l’excuse d’être bourré…). Kadhafi et Poutine comme opprimés, on a fait mieux…