Magazine Journal intime

Les meufs de chez Perrotin (4)

Par Markhy
Posté le : 16 juin 2010 | Addikted | 0 Commentaire »

On n’a jamais rien fédéré. Autour de nous, il n’y a jamais eu de communauté. Les petits du quartier ne voulaient surtout pas devenir comme nous. On passait nos journées dans l’attente. On écoutait des K7. On s’en foutait du support. On voulait voir si ça décalait ou si ça décalait pas pendant qu’on mixait. Et le moyen le plus simple était de se poser sur ce banc et de regarder nos pieds avant de lancer le dictaphone. Les jours sont passés vraiment vite, nos potes passaient, disparaissaient quinze jours, revenaient avec des belles fringues, disparaissaient trente jours, revenaient avec un stock de paraffine nous demandaient si on n’avait pas un micro ondes, disparaissaient dix jours, revenaient avec une voiture sans permis : c’était une Audi TT. On comprenait ce qu’il se passait mais on préférait distribuer le Pub. On était fatigué, tout le temps, fatigué, on disait ça pour ne plus bouger. Vraiment loin de la vie du quartier tout en étant dans le quartier. Le premier pote en zonzon, parce qu’il avait braqué une voiture avec un faux pistolet, ça nous a même pas marqué, ils étaient venus nous demander si on voulait manifester à la maison d’arrêt. Plus de place dans la TT. On est resté sur notre banc. Au dessus de nous, il y avait une pub « le conseil régional de Picardie finance vos projets ». Un renoi tenait une chemise en carton avec écrit « droit constitutionnel », une blanche le tenait par le bras avec le reste des classeurs et un peu plus loin une rebeu frisée souriait, un peu floue dans la profondeur de champ, elle tenait rien, elle. L’affiche, jamais changée, a déteint plus vite qu’on a grandi, obligée de supporter tous nos bruits. Dix ans ou rien n’avait changé sauf la musique dans le dictaphone sans aucun message, juste des jingle et de la house de chez Defected digger sur audiogalaxy. La Mairie, à cause des voisins qui se plaignaient du « bordel », a fini par remplacer notre banc par un aplat de goudron et un trottoir bas pour les personnes handicapés, le conseil régional a laissé son affiche. Ici, le bilan des collectivités territoriales.

Le couple s’engouffre dans le métro. Je replace mes cheveux qui sentent le shampoing premier prix. J’entends les bottes résonnaient, les talons en plastique bon marché, les meufs de perrotin comme des caissières d’Intermarché, la différence n’est pas dans les chaussures. Je suis les gens depuis que je prends le train quotidiennement, les gens en disent plus dans le train que dans leur statut facebook. Sauf Alice avec qui je prenais le train souvent qui mettait mes vannes en statut facebook. Les corails intercités vers Paris sont les meilleurs trains. Il y a des clans, des milfs, des pochettes à dessin. On s’adressait qu’aux meufs avec des pochettes à dessin : t’es dans l’archi ? t’es en art appliqué ? tu fais une formation dans le btp. Les pochettes à dessin ouvraient la discussion pour nous, les jeunes, comme les Blackberry chez les vieux, les blackberry et la belote. Ils jouaient vraiment à la belote. Un petit bisous sur la bouche offre le mec à sa copine. Elle fait la mine de la journée longue et chiante, moi ça fait dix minutes que j’écoute rien dans mon casque en agitant la tête. Les pakos dans les tunnels ont tout compris, ils niquent Wawa-Mania puissance 100, c’est toujours des dames qui s’arrêtent pour voir les divx. Une fois j’ai vu mamie avec sa petite-fille qui piochait les cd. Jamais de nerd chez les pakistanais du divx. Ils sont la nintendo wii du warez : cajual pirating. Il parait qu’ils peuvent courir plus vite qu’on ne déplace un serveur au Liechtenstein. Je les admire ces mecs parce qu’ils m’ont sauvé la vie plus d’une fois, genre tu t’engueules avec ta femme, tu lâches l’argent au Pakis, t’as les roses, le film, je peux de nouveau lui jouir dans la bouche. Ça peut paraitre beauf mais des roses, un divx parfois ça suffit, c’est mieux qu’un texto qu’une longue explication, sauf le pakos qui te dit 5eulos en regardant partout. 5 euros le bouquet presque fané, gros bâtard. Tu marges à 95%. Mais tu me sauves pas mal. Je ne pense pas que les meufs de Perrotin se laissent même masturber par leur mec. Sur les strapontins, côte à côte, il y a énormément de trucs qui les séparent, elles regardent les néons qui défilent, il regarde le petit cul qui descend – moi aussi même si la fille n’avait pas plus de 15 ans. Il approche sa main de la sienne mais elle cherche un truc dans son sac, son agenda moleskine « oh j’tai pas raconté » elle dit en posant la main sur le genou du mec, elle croise les jambes, les bottes tapotent sur le sol.

On était assis sur le trottoir maintenant affaissé. Ruth avait des nouvelles bottes. Ruth n’avait jamais rien fait de sa vie jusque la, virée du CFA, de son CAP « Métier du Pressing », on la voyait juste faire les courses au ED pour sa mère. Et elle avait réussi à acheter des nouvelles bottes. « Oh j’vous ai pas raconté ».



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