Le Monde vient de publier une interview de Philippe Gillet, ancien directeur de cabinet de Valérie Pécresse, qui quitte son poste pour devenir vice-président de l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, où c’est vrai les salaires sont nettement meilleurs qu’en France…
J’aimerais pouvoir sourire devant cette interview faite d’auto-satisfaction et d’incompréhension face à ces universitaires ingrats qui en ont tant fait voir à leur ministre-qui-les-aime-tant, par exemple avec cette phrase merveilleuse : « J’ai accepté cette tâche sur un programme simple : faire bouger l’université. » C’est réussi, en tout cas pour le mouvement social !
Mais je n’ai pas envie de rire. Car la technique de triangulation, recopiée par Sarkozy sur les méthodes des spin doctors anglo-saxons, cette manie de laisser croire qu’on fait la même chose que ce que souhaite l’adversaire, conduit à un vrai délire, comme quand Sarkozy cite Jaurès ou se réapproprie scandaleusement la lettre de Guy Môquet. On trouve ainsi dans l’interview le passage suivant :
Au printemps 2009, le second mouvement a été bien plus dur et plus long. Comment l’analysez-vous un an plus tard?
Ce mouvement était avant tout lié à la réforme du statut des enseignants-chercheurs et à la réforme de la formation des maîtres. Et cela m’étonne encore, car la réforme du statut des enseignants-chercheurs était demandée par les Etats généraux de la recherche, auxquels j’ai participé en 2004.
Nous nous sommes fondés sur leurs préconisations pour réformer le statut des universitaires
J’ai fait partie des organisateurs des Etats-Généraux de la Recherche. Je découvre aujourd’hui qu’un certain Philippe Gillet y aurait participé. Peut-être l’a-t-il fait, après tout des milliers de personnes y ont participé. Mais on ne peut laisser entendre que les Etats-Généraux de la recherche étaient en phase avec la politique suivie depuis, comme Pécresse tente régulièrement de le faire, alors que Sauvons la Recherche, qui a été à l’initiative des Etats-Généraux, n’a cessé de montrer en quoi la politique sarkozyste était en contradiction avec les valeurs et principes défendus en 2004. Sur le sujet du statut des enseignants-chercheurs, voici ce qu’on y trouve (rapport des Etats-Généraux de la recherche, p. 7) :
Les conditions permettant aux enseignants-chercheurs de faire de la recherche doivent être significativement améliorées. Un effort particulier sera fait pour les décharges d’enseignement des jeunes maîtres de conférences. Des mécanismes de réduction modulée du service pédagogique, propres aux universités, ou de détachement des enseignants chercheurs dans les organismes, permettront d’atteindre cet objectif. Pour cela, sera prise en compte l’évaluation de l’activité de recherche, par une instance nationale indépendante. Par ailleurs, les enseignants-chercheurs doivent bénéficier au cours de leur carrière de la possibilité de rééquilibrer leurs diverses missions (enseignement, recherche, encadrement pédagogique, administration). Ces dispositions imposent une augmentation significative du nombre d’enseignants-chercheurs et donc un effort budgétaire important mais indispensable et réaliste, du dispositif.
On voit là qu’on est très loin de ce qui a été fait, à savoir une modulation du service sans aucune création d’emplois, c’est-à-dire qu’une baisse de service doit être compensée par une hausse. Sur les créations d’emplois, Philippe Gillet ne manque pas de culot : certes des postes ont été créés en de 2005 à 2007, sous la pression du mouvement social. Mais son gouvernement est celui qui a stoppé ces créations, et devait même en supprimer s’il n’y avait pas eu le mouvement de 2009 ! Rien ne dit d’ailleurs que cela ne va pas recommencer dès l’an prochain, étant données les annonces de François Fillon.
Mais quand cesseront-ils leurs mensonges ?