Un péage n’est pas forcément un impôt

Publié le 15 juin 2010 par Lecriducontribuable

Par Alain Dumait, «inventeur» du Quartier Montorgueil, dans le deuxième arrondissement de Paris.

Une commission mixte paritaire (députés et sénateurs) doit décider, aujourd’hui et demain, d’inclure ou non, dans le projet de loi dit «Grenelle 2»,  le droit pour une collectivité locale de recourir, si elle le souhaite, à la technique des péages urbains.

Le ministre des Transports, Dominique Bussereau, ayant recours à une litote, a indiqué qu’il y était favorable.

On sait que des agglomérations comme Singapour, Stockholm, Milan ou Londres pratiquent déja le péage urbain.

Ici même, Bruno Sentejoie (LeCri.fr du 11 juin 2010) a exprimé l’idée qu’il s’agirait en fait d’un nouvel impôt à la charge des automobilistes. Ce point de vue doit être nuancé.

Précisons tout d’abord qu’un péage n’est pas forcément un impôt, en tout cas quand il n’a pas un caractère obligatoire et incontournable. Les automobilistes qui choisissent d’emprunter à l’ouest de Paris l’autoroute à péage A14 peuvent très bien rester sur l’autoroute gratuite A13. C’est leur choix. Une diversité d’offre est à leur disposition. Le péage qu’ils acceptent de payer pour prendre l’A14 n’est pas un impôt.

Il s’analyse comme une technique de financement : le péage permet le remboursement d’un investissement.

Idem pour les péages à l’entrée de certains ponts, ou pour franchir le tunnel sous la Manche. Des alternatives sont possibles. Ces péages ne sont pas des impôts.

D’autres péages ont pour seule fonction de décourager l’entrée dans une agglomération, soit pour alléger le trafic, soit pour réduire la pollution. Le prix de ce péage pourra varier d’une heure à l’autre, selon l’importance de la demande. On parlera alors d’un «péage de régulation».

Les autorités ayant mis en oeuvre de tels péages en sont fort satisfaites, et les automobilistes qui les utilisent semblent aussi les approuver.

Sans doute, ceux qui se trouvent découragés d’entrer dans ces villes à cause d’un prix de péage excessif à leurs yeux sont-ils d’un autre avis….

Mais il faut bien voir que de toute façon, à partir du moment où l’espace public consacré à la circulation est saturé, il y aura forcément des phénomènes d’exclusion.

Soit la collectivité ne fait rien et les embouteillages génèrent des pertes sociales considérables (heures perdues), soit elle essaye d’agir, et elle a le choix entre plusieurs solutions qui vont de simples techniques administratives (droit de circuler les jours pairs aux véhicules dont l’immatriculation se termine par un chiffre pair) aux techniques basées sur le péage.

Celles-ci sont évidemment supérieures au plan économique car elles permettent de procéder à une sélection sur la base de l’utilité sociale des déplacements concernés. Un automobiliste qui doit se rendre en centre-ville pour négocier un contrat important supportera plus facilement de payer quelques euros de péage qu’un autre qui a simplement envie de faire du lèche-vitrine sur les grands boulevard.

Les discriminations par l’argent sont en général les moins injustes !

Ces péages-là sont des impôts, dont les produits tombent dans les poches des collectivités locales. Rien n’empêche les dites collectivités de réduire à due concurrence d’autres prélèvements. Et, en tout cas, rien ne les oblige à augmenter l’ensemble de leurs dépenses.

A noter : ces péages urbains, s’ils sont efficaces, généreront une amélioration des conditions de circulation et d’environnement et entraîneront une valorisation générale des valeurs foncières, elle-même source de nouvelles recettes pour la collectivité…

En général, la mise en oeuvre de ces péages urbains s’inscrit dans de vastes plans, touchant également aux règles de stationnement et d’urbanisme, dont la mise en oeuvre est confiée à des autorités publiques bénéficiant d’un monopole.

Pour Paris et sa proche banlieue, nous proposons une autre voie :

  • la construction d’un réseau de voies souterraines capable d’absorber 20 à 30% de la circulation générale à Paris, dont le financement privé serait assuré par un péage, et qui permettrait aux automobilistes d’entrer dans la ville en évitant tout embouteillage. En contrepartie et parallèlement, les voies sur berge et le boulevard périphérique pourraient être «effacés», l’hypercentre et les Champs-Elysées piétonnisés. Ce réseau de voies souterraines (un peu comme le réseau des Halles, à la puissance 20, et à péage) n’aurait pas le caractère de monopole. L’accès au centre-ville (à l’exclusion de l’hypercentre) resterait libre et gratuit. L’automobiliste venant de la périphérie aurait donc le choix entre le réseau à péage et la voirie de surface demeurée gratuite. Un peu comme l’automobiliste a le choix entre les autoroutes à péages et la voirie secondaire gratuite. Dans ces conditions le péage à Paris ne serait pas un impôt…