« Conditions de
détention indignes ». Une nouvelle fois, après Nantes et Caen, la justice française donne raison à des détenus qui dénonçaient leurs conditions de détention. Le
tribunal administratif du Rouen vient ainsi de condamner en référé l’Etat à indemniser 38 personnes qui se plaignaient d'être incarcérées ou de l'avoir été « dans des conditions
n'assurant pas le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ».
Il en est ainsi de notre système pénitentiaire. Régulièrement, et plus encore depuis la parution, en 2000,
du livre de Véronique Vasseur, Médecin-chef à la prison de la santé, le monstre hideux de notre système carcéral sort la tête des souterrains de notre République, le temps d’une
indignation. Avant que le couvercle de notre société sécuritaire ne se referme dessus. Malgré les nombreux rapports, les condamnations de la Cour européenne des droits de l’Homme et la vigilance
de l’Observatoire international des prisons.
L’indignité des conditions de détention est le signe de l’indignité générale de notre système pénitentiaire. Parce qu’il est criminogène. Parce qu’en plus de priver les détenus de liberté,
il leur retire le droit à l’intimité, au plaisir, et, souvent, à l’éducation, à l’hygiène, aux soins, à la réinsertion. On ne le redira jamais assez : à trop traiter les détenus comme des
animaux, à nier et bafouer trop souvent leur humanité, on finit par les transformer en animaux, laissant s’instaurer, au sein même des établissements, une véritable « loi de la jungle », où les
plus forts s’imposent aux plus faibles, par la violence, le racket, le viol.
Gênée aux entournures. Interrogée sur cet état des lieux le 15 juin sur
France Inter, Michèle Alliot-Marie a servi le discours politiquement correct de rigueur.
Elle est apparue beaucoup plus gênée aux entournures lorsqu’avec insistance, Nicolas Demeurant puis Thomas Legrand lui ont demandé si elle militait en faveur du non cumul de son salaire de
ministre (quelques 17 000 euros mensuels) avec sa « retraite » de parlementaire (elle a annoncé 4 000 euros). La ministre UMP de la justice a résisté tant bien que mal à l’assaut, refusant de
s’engager sur une voie aussi dangereuse… Elle s’est même défendue en affirmant sans rire qu’au nom de ses idées, elle a refusé des emplois bien plus lucratifs qu’on lui a plusieurs fois offerts
dans le privé.
A l’heure où l’on s’apprête à faire travailler plus longtemps les salariés du privé, ces derniers apprécieront.
On ne va évidemment pas résoudre la crise économique en réduisant les revenus des ministres. Mais la politique est aussi faite de symboles. Et celui-ci est désastreux.
Quelle justice – dans tous les domaines - pouvons-nous réellement créer dans notre pays quand la ministre de la justice elle-même n’a même pas le courage de remettre en cause le moindre privilège
? A force, l’indignité déborde des murs gris de nos prisons. A moins que ce ne soit l’inverse.